Google

This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project

to make the world's bocks discoverablc online.

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject

to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.

Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the

publisher to a library and finally to you.

Usage guidelines

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prcvcnt abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automatcd qucrying. We also ask that you:

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes.

+ Refrain fivm automated querying Do nol send aulomated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.

+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project andhelping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.

+ Keep il légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search mcans it can bc used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite seveie.

About Google Book Search

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders discover the world's books while hclping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web

at|http : //books . google . com/|

Google

A propos de ce livre

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec

précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en

ligne.

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression

"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont

autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont

trop souvent difficilement accessibles au public.

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir

du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.

Consignes d'utilisation

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public cl de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de:

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial.

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.

+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas.

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.

A propos du service Google Recherche de Livres

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //books .google. com|

-\S^11..

't -.0

ROMANIA

J \

^

ROMANIA

RECUEIL TRIMESTRIEL

CONSACRÉ A l'Étude DES LANGUES ET DES LITTÉRATURES ROMANES

PUBLIÉ PAR

Paul MEYER et Gaston PARIS

içt ANNÉE. 1890

PARIS EMILE BOUILLON, LIBRAIRE -ÉDITEUR

67, RUE RICHELIEU, 67

ti .■

LIBRARY nr --''r LELAND STANFORD u... , ..vERSITY.

CL. ^bs^'i

NOV 5 ISOO

t

DES RAPPORTS

DE LA

POÉSIE DES TROUVÈRES

AVEC CELLE DES TROUBADOURS

L'éradic toulousain Caseneuve, venant à parler des poésies des trouvères dans son livre intitulé l'Origine da jeux fleureaux de Toulouse (Toulouse, 1659, in-4'', p. 31), s'exprime ainsi ;

0 C'est si peu de chose, au prix de ce qu'ont fait les poètes ti provençaux, tjue quiconque en voudra faire comparaison a trouvera presque autant de différence entre eux qu'il y en a

1 entre les imitations imparfaites d'un singe et les vrayes et a naturelles actions d'un homme ».

Caseneuve ne manquait pas de jugement, mais dans le cas présent il manquait d'information. Il eût été sans doute bien en peine de faire la comparaison qu'il semble provoquer, car s"il connaissait passablement les troubadours pour avoir lu les poésies d'un grand nombre d'entre eux dans le chansonnier de Caiel', il ne savait guère des trouvères que ce qu'il avait pu apprendre dans Faucher'.

I. M^Dtenam Bibl. nat. fr. 856; cf. Romunia, XIV, 2ï6.

1. U semble cependant qu'il ait eu connaissance de quelque chansonnier Eraaçais, car il s'exprime dnsi dans te passage qui précède immédiatement celui que je riens de dier :

Les François, c'esi-à-diie ceux de deU Loire, &rent bien moins d'état de la povsîe provençale que les estrangers, parce qu'ayant chez eux la coût des tois. Us se niÈlérent de faire des vers en leur language, i l'envy des Proven- çaux, K\ l'on vît presque a même temps paroltre un grand nombre de pofites fnuiçoîs, d^utli j'ay vtu tn partie Us ouvrages entiers, avec les fragments que Fauchel en a lait imprinter en leurs vies, mais c'est si peu de chose... »

2 P. MEYER

Il y a bien des années que j'ai commencé à réfléchir sur la question si aisément tranchée par Caseneuve, et la conclusion à laquelle je suis arrivé depuis longtemps, et que j'ai eu plus d'une fois l'occasion de formuler^, est que notre ancienne poésie lyrique (j'entends la poésie strophique chantée) offre assez de variété pour qu'on ne lui assigne pas une origine unique; qu'elle est, en général, aussi originale au nord qu'au sud; que toutefois ce genre de poésie ayant rencontré dans le Midi des / circonstances particulièrement favorables, s'y développa rapide- ment, fut porté jusque dans les pays de langue d'oïl et exerça, dès la fin du xn*^ siècle, une influence appréciable sur la poésie de ces pays, notamment de la Champagne et de la Picardie.

Je n'ai pas l'intention de faire l'histoire complète des rapports de la poésie des troubadours avec celle des trouvères. Je ne crois mûme pas que cette histoire puisse être conduite à bonne fin tant que la chronologie de nos trouvères ne sera pas mieux établie. Mon intention est simplement d'indiquer la direction à suivre et de faire connaître certains points de contact entre les deux poésies que j'ai notés en diverses occasions et notamment pendant la préparation d'un cours sur la versification des langues romanes que j'ai fait au Collège de France de 1885 à 1887. On ne s'étonnera donc pas si les diverses parties de ce mémoire sont inégalement développées.

Il y a Ueu, pour procéder avec ordre, de prendre en considé- ration : les témoignages qui nous montrent la poésie du Midi portée dans les pays du Nord; les rapports 'd'idée ; les rapports de forme ; les dénominations techniques qui ont pu passer de l'usage provençal à l'usage français. Je montrerai en dernier lieu Ueu que réciproquement la poésie des trouvères a été connue dans le Midi et n'a pas laissé d'y exercer une influence très limitée, il est vrai, mais cependant appréciable.

I. TÉMOIGNAGES.

Je ne m'étendrai pas sur le premier point, les témoignages que l'on peut invoquer étant en général bien connus. Il ne me paraît pas qu'il y ait, dans le cas présent, aucun argument à tirer du passage si souvent cité dans lequel Raoul Glaber

I. Voy. notamment Rœnania^ V, 260, 266.

y

LA POtsiE DES TEOUvàRES ET CELLE DES TROUBADOURS J

(m, 9) nous apprend qii'i l'occasion du mariage de Robert avec Constance, fille de Guillaume, comte d'Arles', vers l'an 1000, on vit affluer en France et eu Bourgogne des hommes venus d'Auvergne et d'Aquitaine, aussi étranges par leurs ma- nières que par leur costume, et dont l'apparence était celle de jongleurs. ySans doute ce témoignage est précieux, parce qu'il est le plus ancien parmi ceux qui constatent des rapports litté- raires entre le Midi et le Nord de la France, mais nous ne savons ni ce que les jongleurs ont apporté du Midi, ni ce que les poètes du Nord ont pu leur emprunter.

Le mariage de Louis Yll avec Eléonore d'Aquitaine ("î?) ^ une portée beaucoup plus appréciable. Petite-fille du plus ancien des poètes méridionaux dont le nom nous soit parvenu, accep- tant volontiers les louanges des troubadours, elle dut amener à la cour de France toute une suite de rimcurs. Kous la trouvons mentionnée dans le livre d'André le Cbapelain, parmi les dames à qui sont attribués des jugements d'amour. Une chronique nor- mande, dont j'ai récemment publié quelques extraits, donne lieu de croire qu'elle avait conservé à la cour du roi de France l'habi- tude de parler provençal ou poitevin '. Les quinze ans pendant lesquels Eléonore fut reine de France (1157-52) sont probable- ment l'époque la poésie courtoise du Midi commença ^ exercer une influence sensible sur celle du Nord. Cette influence dut se continuer à la cour de îa fille d'Eléonore et de Louis VII, Marie de France, comtesse de Champagne de 1164 .'i 1198. Il paraît, en effet, que cette princesse, dont les goùis littéraires eurent une action si notable sur les trouvères de son temps î, accueillait favorablement les troubadours- Entre autres preuves ou peut citer l'envoi de la pièce Tvg dcmaiidon qu'es devengud'atnors de Rigaut ou Richard de Barbezieux*, dont l'envoi {Pros conitesa e gaia (2"^'-'""^'^''"*'^''^ '"'"""''"'') "•^P^^tê"^'"^ se rappor- ter qu'à elle.

Les témoignages proprement dits sur l'expansion de la poésie

1. Ou, selon D. Vaissète, de Guillaume Taillefer, comte de Toulouse; -voâ/ sur celle question controversée la nouvelle édiiion de VHisloirt de Lan- giuJx, TV, pp. 148-161 (notesxix).

a. Kdikts it exIniiU des manuscrits, XXîQI, II, 68 noie et 70.

3, Cf. G. Paris, Rjmania, XII, Ji}.

4. R^nouord, Cbmx, m, 43; ; cf. Wackermgel, AUfr. Litder, p. 167.

^

4 p. MEYER

provençale vers le Nord commencent à paraître dans les dernières années du xii* siècle et se multiplient au xni*.

Dans Renaiit de Montauban (éd. Michelant, p. 175), on lit :

Aalars es Guichars comencierent .j. son, Gasconois fu li dis et Hmosins li ton.

Le Tournoiement Antecrist de Huon de Meryfait mention (éd. Tarbé, pp. 13, 15) de « sons » poitevins, gascons, auvergnats. Les « chansons poitevines », dont il est question dans Doon de Nanteuil^y étaient sans doute provençales. Des couplets de Bernard de Ventadour sont cités par l'auteur de Guillaume de Dole et par Girbert de Montreuil dans le roman de la Violette. Les jongleurs du Midi portaient la poésie de leur pays dans les provinces du Nord et y étaient favorablement accueillis. Li meillor jugleor en Gascoigne, disait un vieux dicton^. Nous savons, par un sermon de Robert de Sorbon, que Folquet de Marseille, devenu évêque de Toulouse, eut un jour la douleur d'entendre à la cour du roi de France un jongleur chanter une de ses chansons 3.

On sait que des chansons provençales ont pris place dans quelques-uns de nos chansonniers français. Le grand recueil de Berne contient une pièce de Richard de Barbezieux4, le ms. B. N. fr. 844 a, du fol. 188 au fol. 204, une section toute provençale. Dans le ms. B. N. fr. 20050 (anc. S. G. fr. 1989) sont transcrites auxfF. 78, 79, 81-8, 145-7 d'assez nombreuses pièces ayant la même originel.

On trouvera à l'appendice du présent mémoire une étude sur les divers remaniements qui ont été faits en français d'une pièce du troubadour Pistoleta. j'ai fait mention en plusieurs occasions de ces remaniements, mais j'en ai réservé jusqu'à ce jour la publi- cation, qui ne laisse pas d'ûtre assez compliquée, et ne pourrait commodément prendre place dans le cours de cet exposé.

1. Romania, XIII, 21.

2. Crapelet, Proverbes et dictons populaires y 183 1, p. 83.

3. Hauréau, Les propos de maitre Robert de Sorbon^ dans les Mém. de l'Ac. des inscr., XXXI, 11, 142.

4. Attribuée à tort dans ce ms. à Folquet de Marseille. Voy. Wackemagel, AUfr, IJeder, pp. 32 et 167.

5. Notons encore le motet provençal du chansonnier de Montpellier, Rpmania, I, 404-5.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS J Un témoignage non moins précis de l'influence exercée par la littérature provençale est la création de ces puys Notre Dame où, i riraitaiion de ce qui se passait au Puy Notre Dame, en Vclay', on couronnait soit des chansons à la Vierge, soit des chansons amoureuses^. Le plus ancien paraît être celui d'Arras, qui remonte probablement à la fin du xii' siècle J, ( Si les poésies du Midi ont été portées dans le Nord, quelques- uns des poètes du Nord, à leur cour, ont fréquenté les cours du Midi, et peut-être en ont-ils rapporté des idées et Jes formes de poésie. On a cité plus d'une fois les débuts des deux pièces Quant partis sut de Provence (de Perrin d' Angeeourt i) et Au repairifr qtu je fis de Provence {znonymç)^. Mais le témoignage le plus imponant à ce point de vue est celui de la Bible Guyot, dont l'auteur avait certainement visité les principales cours seigneu- riales du Midi vers la fin du xii' siècle. Peut-être ne connaissait-il que de réputation Alphonse II d'Aragon (-f- 1196), et son frère Bcrengcr, comte de Provence (f 1 181), dont il fait un pompeux éloge ^ : les termes qu'il emploie ne permettent pas absolument d'affirmer qu'il les ait connus personnellement, mais il visita certainement un Beniart d'Armagnac?, sans doute celui que

I . J'ai réuni les témoignages qu' ^_yuy en Velay, dans une note de n JMgeoise, U, 399.

1. G. Paris, Laliltiralunfi

n possède sur les concours poétiques du XI édition de la chanson de la Croisade

ou moytn âge, p. 18^, Voycï L. Passy, BibUothèqiit de PEcole du charta, 4= série, V (1859), et suivants. " 4. Histoire lUtfrairt, XXUI. 665 . S- Voy. Diez, Poésie der Traub. (1816), p. 149. 6. Méon. FatUaux, U, 518; void les vers ;

6 p. MEYER

mentionne Raîmon Vidal ^, probablement Bernard IV (f vers 1190), et Guillaume VIII de Montpellier*, Tun des plus en vue parmi les seigneurs qui protégèrent les troubadours. Il est certain qu'avant le temps vivait Guyot de Provins, les jon- gleurs du Nord durent faire mainte excursion dans les pays de langue d'oc. On n'en peut douter quand on considère combien nos chansons de geste et nos romans d'aventure furent répandus dans le Midi dès la fin du xii^ siècle. Il dut alors se produire un échange actif d'idées poétiques, qui peut remonter à une époque ancienne. Je me suis souvent demandé si le vers de la Chanson de Roland Icil d'Alverne i sunt H plus curteis (3796) n'impli- quait pas quelque souvenir de la poésie courtoise.

Il faut tenir compte enfin des circonstances qui, dès une époque ancienne, ont mis en contact les hommes des diverses ! parties de la France. L'une de ces circonstances, et la plus ; importante au point de vue historique, fut la première croisade : qui eut lieu à une époque la poésie lyrique avait déjà fait son apparition au Midi avec le comte de Poitiers. Nous savons que ce léger et spirituel personnage avait composé des chansons, malheureusement perdues, sur l'expédition désastreuse dont il fut le chef en iioi. Il est bien certain que ces poésies ne furent pas uniquement répandues parmi les hommes des pays de langue d'oc. Les croisades ont d'ailleurs été l'occasion de rapports fréquents entre le Nord et le Midi. En Palestine, les hommes du Nord dominaient, le français, conservant certains caractères archaïques (par exemple et et non of), devint la langue com- mune, mais les poètes durent composer chacun en sa langue. On sait aussi que la croisade de Constantinople amena des rapports entre des poètes méridionaux et des poètes du Nord. L'échange de couplets entre Folquet de Romans et Hugues de Berzé3 ne fut sans doute pas un fait isolé.

I. Ahriîs issidy Bartsch, Denkmakr, 168, 21.

2. L«s I je vi a Montpellier

Guillaume qui si vailUns fu.

3. Je suppose du moins qu'il y eut échange de couplets. En fait nous n'avons que la pièce de Hugues adressée à Folquet. Voy. G. Paris, Romania^ XVIII, 556etsuiv.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS

11. RAPPORTS d'idée.

Les rapports d'idée entre la poésie des troubadours et celle des trouvères doivent être cherchés surtout dans les chansons d'amour qui, de part et d'autre, forment la masse la plus con- sidérable. Ce serait un Ixavail long et fastidieux que de classer et d'étiqueter tous les lieux communs de la poésie amoureuse unt au Nord qu'au Midi, Je me dispense d'autant plus volontiers de ce soin que cette recherche forme la matière principale d'une thèse qui doit être présentée sous peu à ia Faculté des lettres de Paris'. Je me borne i liîre que ces rapports sont en somme assez fugitifs et que la comparaison des deux poésies, sans donner raison au jugement sévère de Cascneuve que je citais au début de ce mémoire, est cependant peu favorable à la poésie amoureuse du Nord. Celle-ci, tant pour la finesse et la variété des idées que pour l'élégance de l'expression, reste considérable- ment inférieure à sa sœur ainée du Midi, tout en gardant une certaine indépendance.

Je veux toutefois établir un rapprochement entre certaines pièces, les unes du Midi, les autres du Nord, le trouble dans lequell'amour jette ceux dont il s'est rendu maître est peint d'une RËiçon si singulière, qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître à l ces compositions un certain air de famille, malgré la diversité de rieurs origines. Dans les poésies do cette espèce, l'auteur, pour E montrer le désordre de son esprit, énumére une série de cir- pconstances il éprouve des sensations contraires .'i celles d'un P'ionime ayant son bon sens, Il y a contradiction perpétuelle entre ï l'effet et la cause. Ainsi dans une pièce de Bernart de Ventadour :

J'ai le «eur si plein de joie que je rac sens hors de l'état naturel. Fleurs Uancfaes, vermeilles ou bleues me donncnl l'idée de la froidure, et le vcm et U pluie augmentent mon bonheur.... J'ai au cœur tant d'amour, de joie, de tiouceur que l'hiver me semble fleur et U neige verdure.

Je puis aller sans vêtement en chemise, car fin amour me tient i l'abri de ^Ja {roidebise... (^Tant ai moti cor pkn di joia.)

I, Cette ihcse a paru : Ln origirits de h poiâe lyrique eu France au mojwi t^e, par Alfred Jeanrov. Paris, Hachette, 1889, in-S", xxi-jij pages. Nous n rendrons compte prochaine

8 p. MEYER

J'arrête la citation sur ce dernier trait, qui fait penser aux galois et galoiscs du Chevalier de la Tour Landri, qui se vêtaient chaudement Tété et se découvraient l'hiver'. Aussi bien le reste de la pièce n'offre plus les mêmes oppositions.

Voici maintenant quelques passages d'une pièce de Guiraut de Borneil qui est également formée de contrastes :

I. Je fais un san^ mauvais et bon, et je ne sais sur quoi ni sur qui ni comment ni pourquoi ; j'ignore d*où m*en vient Tidée ; je le ferai sans savoir le faire, et le chante qui n*en sait pas Tair 1

II. Je suis malade, et onques homme ne fut plus sain ; je prends un homme mauvais pour un bon : je donne largement quand je n'ai rien ; je veux du mal à qui me veut du bien....

VIII. Je ne sais sur quoi j*ai fait ma chanson, ni comment, si un autre ne me Texplique... Je ne sais rien de ce qui me touche. Celle-là m'a rendu fou qui n'a pas voulu m'appelerson ami

Elle peut me ramener en mon bon sens si elle daigne me retenir pour sien.

(Un sonetfai malvat^ e bo,)

Bemart de Ventadour disait que, par l'efiet de la joie d'amour, il se sentait hors de l'état naturel, ou même dans un état contraire à la nature (tôt me desnatura). En français, pour expri- mer la même situation d'esprit, on disait qu'on était bestournéy c'est-à-dire mis à l'envers. Le spirituel auteur du roman de Joufroi, voulant dépeindre l'espèce de folie il est tombé par suite de la conduite de sa bien aimée, s'exprime ainsi :

4342 Or pais, seignor, si m'escoutez,

S'orreiz com ge sui bestornez :

Ne sai si muer o si ge vi.

Ne sai que faz ne que ge di.

Ne sai quant chant ne quant ge plor,

Ne sai si ge ai joie o dolor.

Ne sai quant je dorm ne quant veil 4350 Ne sai quant ge cri ne conseil.... 4373 Ne sai que soit flors ne verdure,

Qtie del jor cuit soit nuit oscure.

Quant je oi ome que viele.

Ne sai s'il corne o chalemele.

I. Voyez éd. Montaiglon, p. 241-2.

nile (nule?) chose.

t mon quor .:erteyn ;

LA POÉSIK DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOUHS 9 Tuil «sirunitnl mi soni sauvage. Si m'a bestorni le corage 4J79 Une amor que ge ai servie,

Ce morceau n'appanient pas ii la poésie lyrique, mais il importe peu : l'auceur du roman de Joufroi devait connaître assez bien les poésies amoureuses de son temps, même celles du Midi. Mais d'ailleurs on peut trouver chez les trouvères des «temples de cette manière bizarre et conventionnelle de décrire les effets de l'amour. Je citerai en premier lieu une pièce, pro- bablement composée en Angleterre, qui a été publiée dans ce recueil (IV, 376). H suffira d'en transcrire ici quelques vers : I Malade sui de joie cspris.

Tint susprc que ne repose.

Jeo ai mon quor en pensé mj-s, 4 Et si enpens (coir. ne pens?

Povcr soi et de aver pleyn,

Et si ne senk ne nul ne bleu

De ]oie «

Et jco sui uni dolcrous Plus jolis homme n'en a nul jour II Que moi, ne ici ne aillocs

Le quatrième couplet de la même pièce indique clairement que cet état si profondément troublé a pour cause l'amour ; J4 Suspir, solaz et ris el joie Et amors, par lour grani vertu, Me font le quer, ou que je soie, }7 Sovent joyus, sovent esmuz.

Et ce n'est pas sans raison que le trouvère termine sa pièce en citant le proverbe bien connu En atnor ad sens e folie. C'est comme k clef de la pièce entière.

Voici maintenant une pièce inédite malheureusement assez corrompue, le même lieu commun est traité. Je l'ai copiée, il y a quelques années, dans le célèbre chansonnier provençal de Modène, qui renferme, comme on sait, une série de pièces françaises. D'après l'envoi ce serait une rotruenge. En ce cas il faut admettre que le copiste a négligé de copier le refrain, ou, ce qui me parait plus probable, que l'auteur a donné i sa pièce un nom qui ne lui convient pas.

10 p. MEYER

I Oez com je sui bestornez Por joie d'amors que je n'aî : Entre sages sui fous [clamez »]

4 Et entre les fous assez sai.

II Onques ne fis que faire dui ; Qiiant plus m'aîre plus m*apai ;

Je suis mana[n]z * et riens ne cui ) 8 Avoir ; mauves sui et cortois.

m Je suis muez por bien parler Et sorz por clerement oïr, Contraiz en lit por tost aler Et colier por toz tens gésir.

IV Je muir de faim qant (je) sui saous Et de noient faire sui las ; De ma prode famé sui cous,

i6 Et en gastant le mien amas.

V Qpant je cheval lez 4 mon cheval, De mon aler faz mon venir. Je n*ai ne maison ne ostal : 20 Si i porroit uns rois gésir.

VI Aiguë m*enivre plus que vins ;

Miel me fait boivre plus que seus s ;

Prodon sui et lechierres fins, 24 Et si vos dirai briement quex :

Alemans sui et Poitevins, 26 Ne l'un ne l'autre, ce scet Diex *.

VII La rotroange finerai 7

Qpi maintes foiz sera cha[n]tée. A la puccle s'en ira 30 Por* cui amors m*ont bestomé». Si H plaist, si la chantera Por moi qui la fis en esté. Et Diex ! se ja se sentira Mes cors de la soe bonté !

I Ce mot manque. 2 Ms. mena^. 3 Ms. puis. Le vers suivant paraît corrompu. 4 G. Paris me propose : Quant je chevdç lais. 5 Sel. 6 Pour- quoi ce couplet a-t-il six vers ? Les rimes ne permettent pas de le diviser en deux, en supposant une lacune de deux vers. 7 SiCy corr. finera, 8 Ms. p barr^. ^ 9 Fausse rime. Le texte est-il colrompu ici ou au v. 28?

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 1 1 On peut faire sur ce thème des variations nombreuses autant que faciles. Aussi le succès de ce genre de composition s'est-il étendu hors de France et au deli de l'époque dans laquelle se renferme la présente étude. On trouve en Espagne et en Italie des pièces à contraires ', et en France on en rencontre encore au XV' siècle. Il suffira de rappeler la série de pièces ayant pour début commun : je nuurs de soif auprès de la fontaine, qui a été recueillie parmi les poésies de Charles d'Orléans et des poètes de sa cour'.

RAPPORTS DE FORME.

Les rapports de forme entre les deux poésies sont certaine- ment l'élément commun le plus caractéristique; mais il faut prendre garde de voir un rapport de filiation en des faits qui peuvent s'expliquer par la communauté d'origine ou par une simple coïncidence. La forme strophique aab ccb, si fréquente au Nord comme au Midi, est indigène de part et d'autre puis- qu'elle vient de la poésie latine rythmique, et les rimes enchaî- nées {ababab'), très anciennes chez les troubadours et chez les trouvères', offrent une disposition assez simple pour que plu- sieurs poètes aient pu la trouver d'eux-mêmes. C'est sunout la strophe à deux parties ■» qu'il faut ici prendre en considération.

La strophe à deux parties se compose le plus ordinairement d'un quatrain i, divisible en deux paires de vers, la rime reliant

1. Gtoiis, pour l'Espagne, la pîtcc du poète catal.in Jordi du Sant Jordi : Tots jorns aprmch e àfsapremh tmcmps (Pclay Briz, Lo Uibre dcis poclas, p. l8o); pour l'Italie, la chanson Giantai nuW om non asi gran iÎcIk^c | Coin' io chtdel

in à luimte (d'Ancona ei Compirctil, le antkhe rime volgari, I, 4}o), qui cfi un pur jeu d'esprit l'amour ne figure pas, et sunout le sonnet de Pétrarque Piue iim Irovo e non ho da far gmrra.

2. Ed. Guichard, pp. laS-jS; éd. d'HWcauli, I, Î14-7. ]. C'est b forme qu'ol!re la plus ancienne chanson française que nous

1, b pièce Chevalier miill estes garnis, p. ]66 de mon Recueil. Elle est de 1146 ou de 1147.

4. On l'appelle plus ordinairement strophe i trois parties, ternie dont je e longtemps servi; mais « i deux parties » est plus juste,

5, Je n'ai en vue, bien laitendu, que la poésie lyrique de la France. Dans l'ancienne poésie lyrique de l'Italie U première partie a bien souvent 6 ou S

12 P. MEYER

les deux vers qui forment paire, et d'une série variable de vers offrant des combinaisons infinies. La première partie est ce que Dante (Ife Fulg. el.^ II, x) appelle pedes; quant à la seconde, il a plu au poète florentin de la désigner par un nom grec, syrtna, la queue. La mélodie qui s'adapte à ce genre de strophe est naturellement aussi divisée en deux parties, dont la première est une phrase musicale très courte, mesurée sur la longueur de la première paire de vers et qu'on répète pour la seconde paire. Voilà une disposition fort ingénieuse et se prêtant à des variétés sans nombre. Elle a obtenu le plus grand succès puisque de chez nous elle est passée en Italie, en Espagne, en Portugal et jusque dans les pays germaniques. a-t-elle été inventée ? Si nous étions assurés que l'invention appartient aux poètes en langue vulgaire, nous n'hésiterions pas à l'attribuer à ceux du Midi, chez lesquels cette forme apparaît plus tôt qu'au Nord. Mais la question n'est pas aussi simple : il est possible que de part et d'autre on ait adopté un mode en usage dans la poésie ecclé- siastique. A la vérité mes recherches en ce sens ont été infruc- tueuses. Je ne connais pas ce genre de strophe ailleurs que dans la poésie vulgaire. Mais je ne me tiendrai pour assuré de ce résultat que lorsqu'il aura été confirmé par un homme versé dans l'histoire de la musique du moyen-âge.

En tout cas, que la strophe à deux parties soit d'origine méridionale, comme il semble dans l'état de nos connaissances, ou qu'elle soit antérieure aux troubadours et aux trouvères, il est certain qu'elle se comporte dans les deux littératures de façon très indépendante. En dehors des cas d'imitation, dont je m'occuperai tout à l'heure, les types communs au Nord et au Midi sont relativement rares et d'ordinaire très inégalement employés dans les deux poésies. Ainsi la disposition abab baaba se rencontre en plusieurs pièces françaises (Jy Amour ki ma iolu a moiy Bansch, Chrest. fr.^ col. 141, Onhs de chanter en ma vky Schcler, I, 135, El mois d'avril ke Ven dit en pas- couTy etc.), tandis qu'elle est fort rare en provençal, n'y étant représentée, si je ne me trompe, que par un exemple unique, la pièce Si tôt ai tarT^at mon chan de Gaucelm Faidit ^ En général la

I . La forme àbab ccdd est une de celles, en très petit nombre, qui sont très fréquentes au Nord et au Midi. Elle est trop simple pour qu*il soit nécessaire

LA POÈSm DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS I^ variété des types est beaucoup moindre chez les trouvères. Les rimes sont moins nombreuses en chaque couplet. Tandis qu'en provençal des couplets de huit vers, et même de sept, ont parfois cinq rimes {abbcdde, abab cdik, etc.), en fran-îaîs le cou- plet de sept vers ne dépasse pas trois rimes et souvent n'en a que deux. Le couplet de huit vers a ordinairement deux ou trois rimes, rarement quatre. Il faut arriver au couplet de dix vers pour trouver cinq rimes, et encore est-ce bien rare. II y a des couplets de treize, de quatorze, de quinze vers qui se con- tentent de trois rimes ou même de deux. Sauf des exceptions infiniment rares, les rimes d'un couplet trouvent dans le couplet même les rimes correspondantes. En provençal, au contraire, on sait combien est fréquent l'usage des rimes isolées qui ont leurs cprres pondante s dans les autres couplets. En6n l'enchaîne- ment des couplets par la rîrae présente de très notables diffé- rences du Nord au Midi.

Toutes ces raisons, ici à peine indiquées, mais qu'il serait Ëicile de développer et d'appuyer d'exemples, portent à attribuer aux trouvères une pan d'originalité assez grande dans le manie- ment de la strophe i deux parties.

Présentement je vais signaler un certain nombre de cas une forme strophique inventée par un troubadour a été imitée par un trouvère, ce qui implique vraisemblablement l'adop- tion de la mélodie sur laquelle la pièce était chantée. Ces emprunts appartiennent à une époque la poésie lyrique du Nord était déjà en plein épanouissement. Ont-ils été plus fréquents pendant la phase antérieure, au milieu ou dans la seconde moitié du xn' siècle ? Peut-être, mais nous devons nous résigner à l'ignorer, les chansons françaises de cette époque qui nous sont parvenues étant en très petit nombre. En tout cas, on exagérerait singulièrement la portée de ces emprunts si l'on voulait en conclure que la poésie lyrique du Nord a été conçue \ l'imitation de celle du Midi.

Le premier exemple, dans l'ordre chronologique, est fourni par une pièce de Cuene de Béthune qui reproduit un type, sinon inventé par Bertran de Born, du moins employé pour la première fois, i notre connaissance, par ce poète.

àt supposer qu'elle ait éti importée par les c'est U forme U plus ordinaire des sirambolli,

Notons cii passant que

J

14 P. MEYER

B. DE BORN. CUENE DE BÉTHUNE.

Ces de disnar non for' oimais maitis, Tant ai amé c'or me covient haïr,

Qui aguespres bon ostau, Et si ne quier mais amer

Efos dedtn:(^ la carns elpas el vis, S'en tel leu non c'on ne sache mentir

El focs fos clars com defau, 4 Ne décevoir ne fausser.

Loplus ries joms es oi delà setmana Trop longuement ai soffert cestc paine

E degra nCesser suau, C'amors m'a fait endurer,

Caitan volgra vogues nionpro na Lana Mais nonporcant loial amors certaine

Cum lo senher de Peitau, 8 Poroie encor recovrer.

(Stimming, p. 106; Thomas, p. 122.) (Schelcr, I, 30.)

La pièce Bien cuidai vivre sans atnor du Châtelain de Couci est peut-être faite sur un type provençal. Ce qui s'en rapproche le plus est la pièce Gts de far sirventes de B. de Born, toute- fois les quatre derniers vers du couplet sont de cinq syllabes et non de sept comme dans celle du Châtelain. Notons une autre diflfèrence : c'est que chez ce dernier le mot folie reparaît à la même place dans tous les couplets :

B. DE BoRN. CHATEUaN DE CoUCI.

Ges de far sirventes nom tar% Bien cuidai vivre sans amor

Ani hfauc senes tot^ afans; Desore en pais tôt mon aé,

Tant es sotils ntos genJjs e m*arti Mais retrait m'en a la folor

Qtie mes nCeti sut en tal enans, 4 Mes cuers dont l'avoie cscapé. E sai tant de sort Empris ai greignor folie

Que veus m'en estort, Ke li fols emfes ki crie

Que comte ni rei For la bêle estoile avoir

Nom forfeiron rei. 8 K'il voit haut et cler seoir. (Stimming, p. 162; Thomas, p. 40.) (Ed. Fath, p. 41.)

L'imitation est plus assurée dans le cas suivant :

Peirol. Blondel.

Dels sieus tort^ forai esmenda Ains que la fueille descende

Lieis quem fet:( partir de se. Des arbres seur la ramée

Qu'enquer ai tcàan quel renda Dirai : Ne sai que j'atende

SU plat^y mas clxinsos e me 4 Coment amours s'est prouvée Ses respi^ cCautra merUy Vers moi, qui tant l'ai amée ;

Sol suefra qu'en lieis entetida Et bel m'est, coment qu'il prende,

E quel bel nien atenda, 7 Que si belc mort aprende.

(Mahn, Werhe, II, 21.) (Ed. Tarbé, p. 9.)

J'ai comparé, en une autre occasion (Romania, XVII, 43S)> une pièce de Gautier de Coinci avec deux pastourelles françaises,

LA POÉSIE DES TaOUVèRES ET CEU.E DES TROUBADOURS I5

l'une de Jocelin de Bruges, l'autre de Thibaur le chansonnier, qui offrent la même disposition, à savoir abab ababaccch. J'au- rais pu remarquer que cette forme vient originairement de Bernard de Ventadour, Tant ai mon cor plen de joia. C'est aussi (sauf que les vers b sont seulement de quatre syllabes) la forme de la pièce Quant voi lou tans refroîdier imprimée dans mon Recueil, p. 3X1,

Le pïanh de Gaucelm Faidit sur la mon de Richard Cœur-de- Lion n'a pas été célèbre dans le Midi seulement. Il a pénétré dans le Nord, puisqu'il est copié plus ou moius incorrecte- ment dans les chanson tiiers français B. N. fr. 844 et 20050, et dans un ms, exécuté en Angleterre, Vatican, Christ. 1659 '. Il a certainement servi de modèle à un serventois d'Alart de Cius. Ce qui le prouve, c'est d'abord que la disposition des rimes (aba ccbbdS) est d'ailleurs .\ peu près sans exemple au Midi comme au Nord ; c'est aussi que la pièce française reproduit les rimes cdàs l'original.

Gaucelm FAinrr. Axart de Caus.

Fort^ fftflUîfl a que toi lo major dan [ serventois, arrière l'en rêvas,

Ei tnajor dol, las 1 gu'îeu aac mats agms Droit en Artois, ne ic vas aiarjant, £ w Awt deï lol^ temps plaipur ploran Et ma dame si me salueras ifasm a liir tn chantan t relraîrc ; Qui lant est douce et simple et debon-

Que xlli qi/ira dt vahr caps e pairt, ; Di li quant vi, au partir, son vi.-iîre Lo rîii vatau Rkhart\, ràs dih Eiigles, Et son geat cors el soc vis avenant, Es wortï, ai Dùus t quais perd" i quais Je m'en parti tristes, de

. ^ p^r Carj.

BenadttTcorloIiIsnnquilpotsuffnr. g Qui i (Raynouard, Choix, IV, 54.)

Quant estrang mat e quant j

pensant,

'i voi dont confort puisl venir,

peûst de mes dolors guérir, (ffiff. I/K., XXin, 523.)

Le type suivant ne se rencontre, h ma connaissance, que dans les deux pièces, l'une provençale, l'autre française, ici rappro- chées. L'imitation ne me paraît pas douteuse.

R. Jordan. Roi de Navabhe.

Ùi elar temps va truw^iV Philippe, je vous démolit

Els aindeli iiperdut^. Ce qu'est devenue amors.

QudfrigX ten dtstrtgi r ntuti En ccst pais ne aijlors

1. Le texte est publié daas le Ronvart de Keller, p. 425.

i6

p. MEYER

E ses conort de jaunir. Donc eu que deyor sospir Per la gensor re qu*anc fos. Tant joios Son qu^ades nC es vis Quefolheflor s^espandis,

{Pam. occ,, p. 200.)

4 Ne £iit nus d*amer semblant. Trop me mervoil durement Q^ant ele demeure ainsi. J*ai Des dames grant plaint 9 Et chevaliers en font maint.

(Ed. Tarbé, p. 98.)

Une chronique de Terre sainte nous a conservé une chanson composée, en 1239, contre les barons qui séjournaient dans les villes fortifiées de la côte au lieu de combattre les Sarrazins. Cette pièce est en strophes isomètres et présentant les mêmes rimes disposées ainsi abba abaaba. Un sirventés provençal, dont l'auteur est inconnu, mais dont la date peut être déterminée assez exactement, oflfre cette même disposition, qui est des plus rares. C'est la pièce Vai^ Hugonety ses bistensa^ adressée, avant la bataille de Muret, en 12 12 ou 1213, au roi d'Aragon Pierre II et au comte de Toulouse Raimon VI ^ Elle est à coblas doblas, comme disent les Leys (Tamors (I, 264); c'est-à-dire que les rimes changent de deux en deux couplets ^. Le poète français a adopté, comme on va le voir, les rimes des couplets III et IV. Je transcris la troisième strophe de la pièce provençale et la première de la pièce française.

E quar en aissis poiria Acabar lur mal ressoSy Que di:(on, senher, de vos Fais Frances que Dieus maldia ! Quan no venjat:^ la follia, E quar et^ tan vergonhos^ Nom cal plus apert 0 dia ; Paratges s'en reuenria Ques perdet tot^ sai mest nos. Que neissas no i conosc via, (Pam. occ,f p. 392 ; Raynouard, Lex, rom.y I, 512.)

10

Ne chant pas, que que nus die, De cuer lié ne de joious, Quant no baron sont oisous En la terre de Surie. Encor n*i ont envaïe Cité ne chastiaus ne tours, Et par une foie envie Perdi quens de Bar la vie. Vilains sera 11 retours Se ceste voie est perie.

(Hist. /!«., XXIU, 677J.)

1. Voy. Hist, de LanguedoCy éd. Privât, VII, 446 b,

2. Dans son état actuel, cette pièce, qui ne se trouve que dans un ms. (B. N. 856 fol. 386 vo) n'a que quatre couplets et une tornada^ mais les rimes de la tornada montrent qu*il manque un cinquième couplet.

3. Un texte corrompu de cette chanson est imprimé dans les Hist. occid. des croisades y II, 5 50.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS I7

Je n'afEnne pas que le strventés provençal ait servi de modèle à la pièce fraoçaise : il est probable que ce sirventés a été com- posé d'après un modèle que je ne saurais déterminer; il se peut même qu'on ait fait plusieurs pièces sur les mêmes rimes et que celle que le poète français a connue ne nous ait pas été conservée. Miùs, de toute façon, l'origine provençale de cette forme est incontestable.

Le type ci-après d'une chanson de Renaut de Trie (abab aababa) ne se rencontre en provençal que chez P. Cardinal, qui l'emploie deux fois : dans la chanson d'amour (ou plutôt cmtre amour), dont je transcris le premier couplet, et dans une pièce historique qui doit avoir été composée entre 1225 et 1228 (5efj volgra si Dieus 0 volgues) :

. Cakdinai..

w tenhperfol cper mu^art StUt qu'ab amor a lia.

Aijutl qut plus s'i fia :

H Us Saoïor itrum a tart El mal wn quasctm dia. 'Jfàlh li ftihn e! moysiart AquHa an la paria.

Per quiei

m pan

I.N. fr. 8s6, fol. 187 d.)

Renaut db Trie.

Quant je voi le dous lans venir

Ke renverdist la pnie, Et i'oi le rossigDor untir

Ou bois sor ia ramée, Adookes ne me puis tenir De clunter, kc tuîi mi desïr

Et toute ma penst^ Sont en li amer et servir

Coi ï'ji m'amor donie Sans repentir,

(Scheler, I, 147.)

Il n'y a aucun rapport d'idée entre la chanson de Renaut de Trie et l'une ou l'autre des deux pièces de P. Cardinal. Mais il est bien possible qu'une pièce provençale, aujourd'hui perdue, ait servi de modèle.quant à la forme, i P. Cardinal et à R. de Trie. Ce dernier a pu se souvenir aussi de la chanson de G, de Borneil : Can vet h dois tems unir \ E la coindda sa^p ] Que /ai prat:(_ rewrdc^r, etc.

P. Cardinal est l'auteur d'un sirventés dont !a forme ne se trouve nulle part ailleurs en provençal, ce qui est, pour une pièce de ce genre, fort exceptionnel. Mais la même forme, i une faible différence près, se rencontre en français dans une pièce poUtique sur Arras qui est de la seconde moitié du xni'' siècle (probablement des environs de 1260), en tout cas postérieure i P. Cardinal. La différence consiste en ce que la strophe proven- çale a six vers de plus.

i8

p. MEYER

Chanson anonyme.

Arras ki ja fus Dame sans refus

Del paîs, Tu es confondus, Traïs et vendus

Et haïs, N*en toi n*a desfense Se cil ne te tense Ki en crois fii mis. Ti vilain ouvrage T*ont mis en servage, Por ce en dirai gnift

(P. Meyer, Recueil^ p. 373.)

P. GaU)INAL.

Bel m* es qu*ieu hastis Sirventes faitis

Defaisso Beir e ses tôt sis E mot gent assis

En guay so, 6

Pueys^ qui que Vaprenda^ Ahani quel reprenda Ne gart la rœ^p; Pueys lo don ol venda A td quel revenda Quan n'aura sa:(py 1 2

El retraia

Lai don traia And 0 cordoy

O de saia;

S*o essaidy RaubadeGuordo, 16

(B. N. fr. 856 d, f. 281 corrigé, d'après les autres mss.)

Les deux pièces de chacune desquelles je vais transcrire le premier couplet ont une forme si simple qu'on serait tenté de supposer une rencontre fortuite plutôt qu'une imitation, si cette forme, pour être simple, n'était pas très rare. En provençal on ne la connaît que par la pièce ci~dessous, attribuée dans les mss. tantôt à Gui d'Uissel tantôt à Peire de Maensac, et par le sirventes de P. Cardinal Atressi com per fargar, qui reproduit le même type et les mêmes rimes.

Gui d'Uissel ou P. db Maensac

Estât aurai de cantar Per sofracha de ra^o, Qu*anc ne mipogui encontrar En faire hona canso; 4

Mas at' ai cor quem n*assai De far hos mot^ e son gaiy Quar hen estai qui sab abpauc ben dire Gen ra^onar leis cui es obe^re, 8

(Parn. occ, p. 304.)

J. Bretel et Adam de La Halle.

Adan, du quel cuidiés vous Q}ii vive a dolour plus grant? U cil qui est fins jalons De celi qu'il aime tant Q}i'il ne s'en puet départir Et si l'a a son plaisir, U cius qui maint en dangier et li prie, Mais riens n'i prent, et s'est sans jalou- sie? (JRomania^ VI, 592.)

lA POESIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS I9 Entre les procédés que les troubadours ont employés pour lier les couplets k l'aide des rîmes, il en est un qui s'observe aussi dans la poésie du Nord, mais plus rarement et à une époque moins ancienne, de sorte que !e mérite de l'inveniioa ^; ne peut être contesté aux méridionaux. Ce procédé consiste ce que les couplets étant sur les mêmes rimes, l'ordre des rimed change de couplet en couplet selon un roulement calculé t iat;on i ramener périodiquement (par exemple de deux en deux on de trois en trois couplets) la même disposition. Ainsi dans b pièce de Folquet Anwrs, merce, jio tnoita lan soven, l'ordre du premier couplet reparaît au troisième et au cinquième, et l'ordre du second au quatrième :

I" coupl. abab bec

2' chcb baa

y ahab bec

4* cbcb baa

S' abab bec Cesi la disposition qui a reçu, à la fin du xiii' siècle, le nom " de Cansa redonda. Guiraut Riquier a composé en 1282 une pièce intitulée dans la rubrique « canso redonda et encadenada de motz e de son » {Pus sabcrs nom val ni sens, Mahn, IVerke, IV, 32), qui présente le même arrangement que la pièce de Folquel :

I" coupl. abab acdcdc

2' cdcd cababa

3' abab acdcdc

4' cded cababa

5= abab acâedc

6' cdcd cababa

Il est des dispositions plus compliquées. Ainsi dans la pièce en huit couplets Molt m'es bon e bel (P. Vidal), les couplets sem- blables sont respectivement I et V, H et VI, III et VII, IV et VIII. On trouve en français de rares exemples de cet enchaînement dont l'idée me paraît appartenir indubitablement aux troubadours. Je citerai comme particuUèrement notable la pièce de Rogicr d'Andeli Ja por ce se d'amer me ditetl', dont les cinq couplets sont rimes comme suit :

I. Chamonsdt Roger SAndeli, p. p. A. HÛroa, Rouen, 1883.

I" coupl. abab bcccddu 2' ebeb bcccddaa 3* ahab bacddee 4* cbtb kccdda 5' abab bcccddaa' Je suis également porté à considérer comme étant d'origine exclusivement provençale l'usage des riiiuis derivalivas. Les Leys d'attwrs (I, 184) appellent ainsi des rimes alternativement mas- culines et féminines qui dérivent réellement les unes des autres en ce sens que la rime féminine reproduit, avec addition d'une terminaison féminine, la rime masculine précédente. Ainsi après une rime en art vient une rime en orla, et ainsi de suite. Cet artifice est fort ancien en provençal, puisque Bernard de Ventadour en offre déjà des exemples^, antérieurement aux plus anciens trouvères connus. En français nous l'observons en un ^^^^■^ petit nombre de chansons. La pièce anonyme Hautement S amours ^^^^E* s€ plaint, conservée parle seul chansonnier de Berne (IVackernagel , ^^^Hp n" sxviij), offre les séries atnt-aindre, oil-oile, ts-ist, ent-endre.

^^^^^ Voir encore une pièce publiée ici-méme, FV, 379, d'après un

V ms. de Cambridge, et la chanson de Rutebeuf (2'éd. de Jubinal, B I, 103) sur Ancel de l'Isle Adam. Mais, dans notre ancienne H poésie, cette recherche n'est pas limitée aux chansons : elle a B pénétré vers le milieu du xill' siècle, ou peut-êire plus tard

V encore dans la poésie narrative, comme on le voit par divers B exemples cités dans mon livre sur Alexandre le Grand dans la K littérature du moyen-âge, II, 195-6. Assurément il n'est pas ^L absolument impossible qu'un trouvère et un troubadour aient ^^^H eu indépendamment l'un de l'autre l'idée de cette ingénieuse ^^^^^V disposition, mais, si l'on considère la date et le caractère des ^^^H^ pièces françaises elle parait, on sera d'avis qu'un emprunt ^^^™^* est, dans le cas présent, beaucoup plus probable qu'une ren- W contre fortuite.

I

L =

I

1. Od voit quclepoite, si le texte est gulirili. Le quatrihnc couplet devrait s

onect, s'cit permis une petite irrâ- teraiiner pai oj et le cinqiùème

a. Dans la pièce ^rd w vei lu^ir soleil, 00 en lrou\-cles limaài-tila.ai-aia (Mahn, G(^/., no xxjui, et dans la piice Btl m'es quital euvti la tnailla (Ged., xxxvn) alierneni les rïmes unit et uailli, m et oiut, ir ei ira. Cf. Appel, Ltien u IMer d, troiA. P. Sogitr, p. 24.

U POÉSIE DFS TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 21

Il y a un genre de poésie provençale qui a passé en français, non pas toutefois sous son nom original, c'est la dansa qui est, comme je vais le montrer, identique au vircU ou virelai français. Cette démonstration vient en son lieu à la fin do ce chapitre, car l'adoption, sous un nom nouveau, de la dansa provençale a eu lieu assez tardivement, vers la fin du xiie' siècle, à ce qu'il semble.

La dansa a été_trés exactement définie par les Leys (I, 340-2). Cest une pièce composée de trois couplets, d'une lornàda et d'un refrain. Les couplets, naturellement égaux entre eux, se com- posent chacun de deux parties. La première partie est indépen- dante en ce qui touche les rîmes; dans la seconde partie au con- traire les rîmes doivent être semblables pour tous les couplets, et semblables aussi non seulement aux rimes Oe la toniada, ce qui va de soi, mais encore aux rimes du refrain. On possède un assez grand nombre de dansas provençales, dont aucune ne paraît antérieure au milieu du xiii* siècle. J'en publié deux, d'après le ms. Gîr3ud,'dans mes Derniers troubadours, sous les n"XVIIIetXIX; B.irtsch apublié, dansses J5('Htm^/(T(pp. r-.^), celles qui se trouvent à !a fin du ms. B. N. fr. 1749 '. Je vais transcrire celle que les Leys d'amors citent en entier, III, l6o, et en partie, I, 286-8, 290 :

Bcs sabers. joyci Me foylx^e bandas, D'amor agradiva.

1 Bos sabers me fay lo cor giy, Qjiar veray pretz ha d'onor. Bela/or non say, don morray S'ieu non hay breumcn s'amor, Ay I cor grades, Lunh' autr3 ses vos No m'es agradiva.

I. Il les attribue, saos raison, dons son Grundriss, p. iji, à Guiraat il'Espagnc. L'une, La gaia irmhlaiisa (Tknlim., p. }-4), est adressée â une comtesse Beatrix probablement, la Bcatrii de Savoie, qui <!pûusa en Jiîo Riimon Berenger, couiie de Provence, et en 1246 Charles d'Anjou. Elle mouiuien 1267.

22 P. MEYER

II Bos sabers, tant es gays e pies De totz bes qu'en sa preyzo M'a liât e près e conques, Tant que res dar guerizo Nom pot, mas vos, pros, Am cor valoros, Plazens agradiva.

III Bos sabers me part amb un dart D'un regart quem fe Tautrier, Tant que nos départ de la part Vas on art Amors e fier. Bem faytz deziros, Gays cor amoros '. Tant etz agradiva'.

Bos sàberSi gaujos Fora moi, s*ieu fos Am vos agradiva.

On voit que le refrain, écrit au début, est identique pour la forme à la seconde partie de chaque couplet, et l'identité devait s'étendre à la mélodie. Je suppose qu'on reprenait ce refrain après chaque couplet, encore bien que, dans le texte donné par les LeySy la reprise ne soit pas marquée. A la fin de la pièce le refrain était remplacé par un demi-couplet, de même mesure et de même mélodie, comme on peut le voir non seulement dans l'exemple ci-dessus, mais encore dans les deux dansas imprimées dans mes Derniers troubadours. On remarque que la dansa des Leys ofl&re des rimes intérieures. Mais c'est une recherche exceptionnelle.

Passons maintenant au virelai ou chanson baladée, et d'abord établissons que ces deux termes désignent le même genre de poésie. Dans le Remède de Fortune de Guillaume de Machaut, on lit:

Lors, sans delay

Encommençay cest vireky QtCon dainmt chanson baladée. (B. N. fr. 1S84, fol. 74.)

1. Valoros, I, 288.

2. Le texte id reproduit est celui que les Leys citent III, 160-2, mais à un autre endroit, I, 290, le même ouvrage remplace ce demi-couplet par la partie correspondante du premier couplet.

LA POÉSIE DES TROltvÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 2}

Dans le Foir dit du même :

L4 fume; scn-i Je dous lais, D'entrcmés et de vîrclaû Qu'an chinu chaînons bahdies.

(Ed. P. Paris, p. 15 lO

Dans Y Art de diclier, d'Eustache Descharaps, éd. Crapelet, p. 274 : « Après s'ensuil l'ordre de faire chamons baladées que l'en appelle lirelais'. »

Voici maintenant une chanson baladée, tirée du Foir dit de Mâchant, qui offre tout h fait la même disposition que celle des Lcys. Je marque par un la division en deux parties de chaque couplet.

Douer, plaùani et dcbonnaire,

Oftqius ru vi vo doui viairi

Nt it vogenC cors la biaut/.

Mais Je -nous jur en loiaiiU

Que SUT tout vous aim sans meffairt.

1 Certes, et je fais mon ieù. Car j'ay mouk bien a perce û Que de mon m'avez respîié FTanchement sans avoir treû; Qji'a ce faire a Amours meû 6 Vo gentil cuer plain de pilé. Si ce doi pas esire contraire A laîre ce qui vous doit plaire A tous jours mais; qu'en verilé Mon cuer avis et m'amisti 1 1 Sans pATtir, en vo dous repaire Doua plaisant et debonnairi...

n Ne m'uvex pas descongneû, Ains m'aveï \xés bien cogneû

I . J'ai fait remarquer ailleurs (Bulletin de la Soc, des anc. lexUs, 1886, p. 84, noie i) que, dans le ms, (B. N. fr. 840) qui a servi à Tédition, les exemples de virelais ou chansons cit^ par E. Deschamps sont, par erreur, précéda de la rubrique serventoys, erreur d'autant plus évidente que Deschamps vient 4c dire qu'il ne citera aucun exemple de servenlois. D'ailleurs mêmes dtéa sous la hasse rubrique terventais se retrouvent dans le mâme ptnni les virelais (éd. Qpcux de Saint-HiUire, III, 726, 737, 7J3).

i pièces j^^l

J

24 p. MEYER

Par vostre grant humilité En lit de mort ou j*ay geO ; Belle, quant il vous a pleû, 6 Qpe vous m'avez resuscité

Si que je ne m'en doi pas taire, Ains doi par tout dire et retraire Le grant bien qu'en vous ay trouvé, La douceur, le bien Tonnesté

1 1 Qui en vo cuer maint et repaire. Douce plaisant et débonnaire. . .

m Et de fortune m'a neO Et fait dou pis qu'elle a peu, Vostre doucour Ta sormonté C2pi m'a de joie repeû Et sa puissance ha descreÛ 6 Et son orgueil suppedité.

Pour ç'avez mon cuer, sans retraire, Qu'Amours, qui tout vaint et tout maire, Le vous ha franchement donné.

Se li vostre le prent en gré, 1 1 Onques ne vi si douce paire. Douce plaisant et débonnaire.,,

(Ed. P. Paris, pp. 77-8).

C'est la disposition même de la dansa provençale, sauf que le refrain est partout le même, au lieu que dans l'exemple pro- vençal cité les paroles du refrain sont modifiées à la dernière reprise, la mesure et la musique restant toujours les mêmes.

Je dois ajouter que les virelais n'ont pas toujours trois cou- plets : beaucoup n'en ont que deux', d'autres un seulement; ce dernier cas est rare.

Les noms de virelai et de chanson balada n'apparaissent pas, à ma connaissance, avant Guillaume de Machaut, mais si le genre de poésie ainsi dénommé est d'origine provençale, comme je le crois, il est à supposer qu'on doit en rencontrer des échantillons en français avant le temps Machaut composait, c'est-à-dire avant 1330*. C'est en effet ce qui arrive. Voici un exemple que

1 . Tels sont le plus ordinairement les virelais de Christine de Pisan.

2. Le premier document que nous ayons sur Guillaume de Machaut est de cette date; voy. Thomas, Bpmania^ X, 328,

LA POÈSŒ DES TROUVÈRES ET CEtLE DES TROUBADOURS 25

j'emprunte aux Oianscms, ballades et rondeaux de Jehannoi de Lescurel, publiées par M. Je Mootaiglon (pièce xx) '.

Daine, lo ugan m'ont mis tn la voit Dt tmii amtr et sttvir tl lotr. 1 Loîal amour aii très bone iventure Qjii m'a navrii d'une douce pointure Si tris plaisani qa'en quel lieu que je soie, M'esieut a vous du tout en toui penser. Dame, vo regan

n Dont doi je bien ejti% en envoiseùre, Cit bonne estes et de geme faiture. Li Muverain me lient tou2 jours en joie. Et tout aussi de merci espérer.

Dame, vo rrgan

m Amour graci, par qui j'ii mis ma cure

En vous amer, très noble créature. ,

JamËs de vous partir ne me querroie

Dame, vo regars

Je ne trouve pas d'exemple plus ancien de ce genre de poésie, qui a pénétrer dans le Nord dès la seconde moitié du xiii* siècle. C'est, en somme, une variété de la ballade, avec cette dîlîèrencc notable que le refrain a la mesure d'un demi-couplet, et reproduit la mesure et les rimes de !a seconde partie de chaque couplet- La ressemblance imparfaite avec la ballade explique le nom de o chanson baladée u ; quant au nom de virelai, il est sans doute ancien, mais on s'est constamment mépris sur sa signiticatian. Le P. Mourgues, en son Traité de la poésie françaistt cité par Littré (Supplément au mot virelai) dc6nil ainsi le virelai, qu'il regarde comme une variété du lai : « Les poètes, après avoir conduit quelque temps le lai sur une « rime dominante, le faisaient tourner ou virer sur l'autre rime, qui devenait dominante à son tour, n C'est pure fan- taisie. Les anciens auteurs de traités de versification française n'ont pas été plus heureux. Henri de Croy, dans son Art et scieme

]. On n'a pas de renseignement précis sur ce poêle, que l'on a proposa d'identifier avec un s Jehan de Lescureul » ex&uté à Paris en 1503; voy. ftonoii^, XIV, )iD.

26 p. MEYER

de rhétorique pour faire rigmes et balladeSy imprimé pour la première fois en 1493, donne un exemple de rondeaux doubles a qui se « nomment simples virlais pour ce que gens lais les mettent en a leurs chansons rurales ». Sibillet, dont Y Art poétique français fut imprimé en 1548, dit : « Virlay est vers lyrique ou laïque, c'est-à-dire populaire ^ » Cette bizarre explication a du moins le mérite d'avoir conser\'é le souvenir de l'origine populaire du genre. Virelai^ plus souvent vireliy désigne originairement un air populaire, un dorenlot, comme valuru, valura^ valuraine^^ comme viroh viron viron vai^ ou vasdoi vaidau^. La pastourelle de Jean de Renti (Bartsch, Rom. u, Past.y p. 292) a pour refrain : Smy sus au virelin, sus sus au virelai ^ et les paroles qui précèdent ce refrain prouvent qu'on entendait par virelai un certain air {Et Bernes se va cantant \ KHI dira du virelai; \ Cil, ..,Ki orront le virelai, etc. On trouve même, à la fin du xni* siècle, le mot vireli employé comme synonyme de ballette ou ballade, car la ballette 53 du chansonnier Douce, à Oxford (fol. 229 de l'an- cienne pagination), se termine ainsi :

S*an vuel dire par amistei

Et par dousor Ke cis virelis ke j*ai trovcit

Me vient d'amor.

On conçoit donc que virelai ait été peu à peu appliqué à une certaine variété de la ballade.

IV. DÉNOMINATIONS ADOPTÉES PAR LES TROUVÈRES.

Entre les divers noms que les trouvères ont donnés à leurs compositions, je n'en vois que trois qui viennent du provençal, serventoiSy estatnpie et ballade, et encore pour le premier la certi- tude n'est-elle pas complète. De l'estampie je ne dirai rien ici.

1. Ces textes ont déjà été cités par F. Wolf, Ueber Lais, p. 320.

2. H. Lavoix, La musique au siècle de saint Louis y dans Raynaud et La voix, Rec, de motels français , II, 363.

3. Romania, VIII, 85.

4. Flamenca^ v. 1062, et voir la note de la traduction, p. 292-3.

LA POÉSIE DES TBOUVÈRIS ET CELLE DES TROUBADOURS 27

Je crois avoir suffisamment établi, il y a vingt ans, l'origine provençale de ce genre de poésie '.

Sirventis est la forme la plus ordinaire en provençal. On trouve aussi sirventcsc et le féminin sirventesca pris substantive- ment'. La finale -esc -esca correspond au suffixe latin -iscus, tandis que la finale -es correspond au suffixe -ensis. Notons cependant qu'on ne rencontre pas de forme féminine en -esa. Outre sinvntts, on trouve servenks, mais dans des textes assez peu anciens J ou écrits par des Italiens, Les plus anciens exemples de ce terme sont de la seconde moitié du xii' siècle, Marcabrun aurait fait « de caitivetz sirventes », au rapport de son biographe, mais lui-même n'emploie p,is cette expression. Il faut, pour la rencontrer, descendre jusqu'A Rarabaut d'Orange -i, Guillem de Berguedan ', Marcoat, Bertran de Born. La meilleure définition du sirvcntés est probablement celle que donne Hugues Faidit dans le Dotiat proensal : « Sirventis, id est cantio facta vituperio aiicujus u (éd. Siengel, p, 7). Le sirventes ne se distingue en effet de la chanson que par le sujet, puisque la « cansos a est spécialement une poésie d'amour, Diez^ veut que sirventes vienne de servir : ce serait une poésie faite par un serviteur, par an poète de cour en l'honneur de son seigneur. Rien n'est plus improbable, car d'une p,irt les sirventes n'ont pas ce caractère, et d'autre pan, si cette ètyniologie était fondée, la forme la plus babiiuelle serait surventes et non sirventes. Je tiens que le sirventes est la pièce composée par un sirvent, c'est-i-dire par un sou- doyer?. Les sirvent:^ formaient, au Midi, une classe très nom- breuse dans laquelle la poésie a se développer de bonne heure. Du reste, que cette étymologie soit juste ou non, l'appli- cation qu'on a faite du terme sirventes paraît être sans rapport avec son origine, et c'est par une autre voie qu'il faut chercher si le terme lui-même a été inventé dans le Midi, d'où il serait passé dans le Nord, ou vice versa.

I. IfS dernUrs troubaJuurs de la Pravttice, p. 8i. I. Voir, pour ces fonnes, Raynouard, L^x, rom. V, 238, j. Par CI. dans Ftametua, v, 1182. J, Dans M piicu £!fp/a/î, v. j, dans mon RtciirU, p. 78. i- Malin, Gn/„ n-' 678, 679. , Potiù der Troubmlmirs, p. 112; F.tym. Wccrt. Ile.

7. Voy. Romoûa, X, 264.

28 p. MEYER

La forme correspondante en français est serventois^ parfois sirventois^. Ce nom apparaît dans les textes du Nord aussi tôt, sinon plus tôt, que sirventes en provençal, et paraît désigner d'abord des poésies d'agrément, non pas, comme plus tard, des chansons religieuses 2. Comme en provençal, on a appliqué cette dénomination à des chansons ayant un caractère politique. De ce nombre est la pièce d'Alart de Caus, citée ci-dessus, p. 15. On peut signaler encore les serventois (ainsi désignés à l'envoi) Li nouviaus tans que je voi repairiery de Jacques de Cisoing 3, et ^ tout le mont vueil en chantant retraire^ de Philippe de Navarre 4, qui sont tout à fait analogues aux sirventes provençaux.

Le prov. sirventes et le fr. serventois étant évidemment le même mot, pris dans un sens spécial et s'appliquant, au moins en cer- tains cas, au même genre de poésie, il serait bien invraisemblable que cette dénomination eût été inventée simultanément et indé- pendamment au Midi et au Nord. Il est tout 'naturel que des

1 . H est à peine besoin de dire que dans l'Ouest la finale est en -eis.

2. Les plus anciens témoignages sont fournis par Wace. Le premier est assez peu précis :

Mais or pois jeo langes penser, Livres escrire e transUter, F«ire rumanz e serventeis^

(Wacb, ISotf, 1$ 1-3 ; p. 294 de mon Rtcueil.)

Mais celui-ci indique mieux le caractère de ce genre de poésie. Parlant du duc Richart, en guerre avec ses voisins, Wace s'exprime ainsi :

Vit ses damages granz, nel tint mie a gabeis

K'entendi mie a gas n'a faire urventeis. {RoUf w. 4146-8.)

Cela équivaut à dire que Richard ne pensait pas à s'amuser. De même dans un des textes du Chastie Musart :

J'ai (ait fabliaus et contes, rimes et serxKinkM^ Pour desdoire la gent environ cui j'estois. (B. N. fr. IS9Î, ^- Ï39; Zeitsehriftf. rom. Phil.f IX, 329.)

Dans le Dit des deus troveors ribaus les sirvmtois sont classer avec les rotruenges, les pastourelles, les fableaux :

Je sai conter beaz dix noveax, Rotruenges viez et novcles, Et sirvtntois et pastoreles.

(Jubinal, Ruieheuf, 2< éd., III, 12.)

3. Scheler, Trouvères belges, II, 74; cf. Hist, îitt, XXIII, 635.

4. Gestes des Cbiprois, éd. Raynaud, p. 61 (Société de l'Orient latin, 18S7),

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 29 lermes ayant un sens général tels que chanson, vers, trouvère, même, se retrouvent à la fois au Nord et au Midi, sans emprunt de pan ou d'autre, mais une désignation aussi particulière que sintrius doit avoir une origine locale. Cette origine est-elle provençale ou française?

Je crois que si les exemples de ce mot sont, au Midi, d'une date un peu moins ancienne qu'au Nord, c'est pur hasard. Le mot a être créé dans le Midi, d'où il sera passé, dès h première moitié du xu* siècle, dans la poésie des trouvères. Ce qui nie le fait croire, c'est la forme même du vocable, en français srrvenlois ou strventoîs par cri. Créé dans les provinces du Nord<J de la France, ce mot serait écrit servantùis, par an, forme qui se 1 rencontre quelquefois, i la vérité, mais seulement dans des * textes qui confondent m et an en un môme son. S'il en est ainsi, le mot scrvcniois serait l'un des plus anciens exemples de l'influence de la poésie des troubadours sur celle des trouvères. L'influence me semble, du reste, s'être bornée à l'introduction d'un nom qu'on a appliqué -H des poésies qui, tant pour la forme que pour le fond, n'ont rien de particulièrement provençal.

Ballade nous fournit une autre preuve très sûre, mais moini ancienne, de la même influence. Le prov. hallada, comme l'ii hallata, désigne originairement un chant destiné à marquer la mesure en dansant; baîlare a déjà, en latin des bas temps, le sens de danser '. La ballada provençale est une chanson à refrain ayant ordinairement de trois à cinq couplets. La pièce de Peire Vidal, La lau^eC d rossinhol (éd. Bartsch, n" 1 1) est une hallada. Le nom est attesté dès ta fin du xn' siècle : Raynouard en cite un exemple de Pons de Chapteuil.

Le nom français correspondant est ballete', qui, dans le chansonnier Douce, désigne une poésie composée en général de trois couplets à refrain ^ comme seront plus tard les ballades

I. Da CsDge, BAijutE. Je pense que c'est à lort que Diez (Etym. fPctrt. BALlare), suivi par Littré, rattache balîare à baïUi, balle ou paume. Mais ci; qui est tout d fait extravagant, c'est l'ftymologie proposée par Rcenscli [Dos Bik6 Jer Jtibi],au, Leipzig, 1874, p, 48S note) qui f^C venir ballalu de BaXXà!, tiom (l'une servante de Rachel dans le livre des Jubilés ou Petite Centoe.

3. Ce moi manque dans le dîci, de M. Godefroy.

}. Voy. les spjcimens publiés dans mes Rapports, pp. ZJ6-9.

30 p. MEÏER

proprement dites. Je ne vois pas de raison pour soutenir que ces balletes soient d'origine provençale. La forme et le nom sont assez simples pour avoir été trouvés indépendamment au Nord ei au Midi, et d'ailleurs la ballada provençale n'est pas toujours réduite àtrois couplets. Mais, dans la seconde moitié du xiir siècle, le nom ballade fut introduit dans le Nord, et il est de toute évidence que ce nom, ne pouvant i cette date avoir une origine italienne, a été importé du Midi. Il eut du succès et supplanta ballete. Pourquoi ? Nous n'en savons rien. Autant vaut demander pourquoi, depuis l'Exposition de 1878, l'anglais tkht est en voie de remplacer le français billd. C'est affaire de mode.

Le plus ancien exemple du mot ballade a été signalé par

P. Paris dans VHistoire lUtcrairc, XXIII, 616. Il se trouve à

l'envoi d'une pièce de Wiben Caukesel, trouvère qui devait

composer un peu après le milieu du xiii' siècle'. Voià cet

envoi, d'après le chansonnier de Noailles (B. N. fr. 12615).

A ma dame, haraii', présenter

Te voil; di U par moi sans celer',

Ke de sa cose empirier et grever

N'est ce pas conoisie.

Diexl ki a bmm amor,

S'il s'en ripent nuïjor,

Bfait grant villonie.

C'est bien en effet une ballade, qui toutefois a cinq couplets et non trois. La forme barade est singulière. Est-elle correcte? Le copiste, qui a écrit en deux mots bara de, comme s'il ne

I. A la fin de l'une de ses pièces, Fia cu^rs emanauris, Wibcrt Kaukesel tût mention de Jean Erart, de Bouieiller et de Dragon ;

(B. N. ft, 844, M- m *-) Jehan Erart et Colan le Bouteillier sont des trouvères bien connus du milieu ou de la seconde moitié du xm« siècle. Dragon est désigné comme juge dans un assez gnnd nombre de jeux partis du même temps; voy. L, Passy, B»\. de TEcoU dn Charles, 4' série, V (1859), 20, 2j, 24. îS, 27, a8, 29, ÎM, }S2,476. 477. 479. 3. Sic. Ce vers est trop court.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 3I comprenait pas, a-t-il bien traoscrit son original, ou a-i-il écrit r pour l? A la vérité barade n'est point inadmissible : ce serait «ne forme gasconne. Toutefois on voudrait pouvoir vérifier cette leçon sur un autre ms. Malheureusement 011 ne le peut pas. Le 1 ms. fr. 844, cette même pièce est transcrite, au fol. i^S, 1 mutilé en cet endroit comme en bien d'autres, et la mutilation"! a enlevé l'envoi qui nous intéresse.

Après cet exemple, le plus ancien que nous ayons du mot ballade est fourni par le /f« du Pekrîn, d'Adam de la Halle, composé vers 1300, l'un des interlocuteurs, parlant d'Adam comme s'il était mort, dît de lui :

...savoit manchons faire,

Paitores et motfis entés ;

De che âst il a grans pknti^,

El haiades je ne sai quantes ■.

Il est à noter toutefois qu'aucune des ballades d'Adam de La Halle ne nous est parvenue, du moins sous le nom de son auteur.

Un témoignage qui est à peine de quelques années postérieur est celui de Nicolas de Margival dans le DU de la Panihére d'amours. L'auteur de ce poème non seulement fait usage des termes balade ci baladde"^, mais encore transcrit les deux pièces qu'il intitule ainsi. La haladek, dont la forme diminutive était appelée par une rime (avec chancelé), est en petits couplets de trois vers, plus un vers de refrain. Dés lors le terme balade est courant i et les pièces ainsi désignées deviennent de plus en plus fréquentes.

1- Œuvfcs amputes d'Adam de la Halle, p. p. De Coussemaker, p. 418.

2. VA. Todd. (Société des anciens ie\tes français), vv, 2295 et 2340.

J . Citons encore ce témoignage du roman de Fauvel, composé vers i } ' î =

(hi.*. /, -ïJ. .. ™.. w, vu, 44.0 Cci autre est rfré du romau du comte d'Anjou achevé en Iîi6;

Le plus

D exemple cité par Liitré est de Guillaume de Machauc,

32 p. 3ŒTElt

La ballade est, par nature, le noai même nndîqae assez claire- ment, une poésie chantée. Je n'ai point 2 rechercher id i quelle époque b mélodie a cessé d'être une parde essendelle de ce genre de composition. Je ferai toutefois remarquer que toutes les ballades insérées dans le lUgre: Guillaume^ poème composé en 1339, étaient chantées. L'auteur le dit expressément en maint endroit'.

Je m'abstiens de parler ici de la pastourelle, du jeu-parti et de Valia^ parce que je crois que ces divers genres se sont déve- loppés d'une fa^on indépendante au Xord et au NCdi. encore on pourra obsen-er des traces d'influence provençale en telle ou telle pièce française ^. Mais ce sont des faits isolés. La question du reste est trop complexe pour qu'il soit possible de l'étudier ici en passant.

V. LA POfesiE LYRiaUE FRANÇAISE DANS LE UTDl

DE LA FRANCE.

Si les troubadours ont été assez souvent imités par les trou- vères, ceux-ci à leur tour n'ont point été entièrement ignorés dans le Midi de la France, et il est permis de supposer que la poésie provençale leur a fait quelques emprunts. Il serait vérita- blement étrange qu'il en eût été autrement, si l'on se souvient que plusieurs poètes du Nord ont voyagé et même ont séjourné dans le Midi, et si Ton considère la rapidité avec bquelle nos chansons de geste et nos romans d'aventure se sont répandus dans les provinces méridionales, comme en font foi, dès la fin du XII' siècle, tant d'allusions éparses dans les chansons des troubadours.

Il ne faut pas toutefois exagérer la portée des faits qui seront groupés dans ce chapitre. Us prouvent que la poésie des trou- vères a été connue dans le Midi, non qu'elle ait exercé sur la poésie des troubadours une influence sensible. Cette influence.

1. Voy. Tédition de M. Schclcr, vv. 619, 730, 1148,2951, 3158, 3251,610. Parfois les ballades sont qualifiées de chansons; voy. vv. 593, 922-3, 1589.

2. Ainsi la pièce à refrain de Philippe de Navarre Vautrier gaitai une nuit fuse* au jour (GcsUs des Chiprois^ Société de TOrient latin, p. 65-7) est bien dans la forme de Valba provençale.

tA POÈSŒ DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 33 en tout cas, n'a pu s'exercer qu'i une époque tardive, après les premières années du mw siècle.

Raimon Vidal de Bezaudun avait assurément une certaine connaissance de la poiisie des trouvères. Il avait remarqué que le genre de la pastourelle y était plus richement représenté qu'en provençal, puisqu'il dit, en un passage bien souvent cité de ses Ra^as Je trûbar, que la langue française est plus propre i la composition des romans et des pastourelles. Une autre preuve en est qu'il cîte dans une de ses nouvelles ' les deux premiers couplets d'une chanson française anonyme (CmisHki^ uioi, signor) que deux de nos chansonniers nous ont conservée.

Avec Matfre Ermengaut nous sommes transportés à la fin du xin' siècle, à une époque où, pour des causes politiques, l'influence française commence à se faire sentir au Midi, Dans le Perilhs IrMlal, qui termine le Bn-v'tari d'atnor, Matfre cite deux pièces de Thibaut le Chansonnier^, et une fois une poésie i lui adres- sée ', le désignant, à la façon des chansonniers français, sous le nom de Roi de Navarre. Matfre citait les troubadours, qui pour lui étaient déjà réputés antiques, d'après un chansonnier pro- vençal analogue à ceux que nous possédons encore. Je présume qu'il a cité de même Thibaut de Champagne et Raoul de Soissons d'après un recueil des poésies des trouvères, je doute fort que le séjour de Thibaut en Navarre ait contribué d'une façon appréciable à répandre ses poésies dans le Midi. Nous savons que sa cour était peu brillante, et les poètes qui ia fré- quentèrent n'en font pas l'éloge ■<.

Certains chansonniers provençaux ont admis quelques pièces de trouvères, mais dans une mesure très limitée, par comparaison au nombre des pièces provençales qui ont pris place dans les chansonniers français. Je laisse de côté le chansonnier d'Esté, qui renferme, aux ff. 217-30, une section de chansons françaises.

I. So fo d tempi. Malin, Ged., II, îg; iil. Cornicelius (Btrliu, «. 6)^ et suiv.; cf. Rmaaiùu, U, 269.

I. Mabn GrJ., I, 18), 188; éd. de Béziers, U, 4j;,4;3.

}. La pitce Sait dt Navarre et sire de Vtrtu, de Raoul do Soissons (WackW Qi^l, AHfr. Lieder, a" xsvj) qui est anonyme dans quelques mis. Mal&4^ dcÀgnc l'jutcui par [es mots a us fiances n. Voy. Mahn, Cal,, 1, 19}, àd. d€ hixitts. 11.461.

4. Voir mes Derniers trouhadours de la Proi'ence, p. 34.

H™". XIX. j

34 ^- ^OEJESL

Cest en rccceil à part, cu'cn copiste înEen a joint à un recneil

moitié du xin- siècle. De mèrne, i Li îîn de chansonnier de l'Ambroisienne (R. 71 supJ), est copiée une pastocreUe firançaise connue d'ailleurs (Q^n ivi fua \ Li ncr en la prùi) ^. La pièce étant copiée à la suite du recueil par une main italienne, on ne peut pas affirmer qu*elle ait été recueillie dans le Midi de la France. Elle peut être arrivée parune autre voie des pays de langue d'oïl en Lombardie. Je n'attache pas non plus d'importance à la présence dans le ms. de la Laurentienne XLI-42, fol. 65, d'une pièce française placée sous le nom de Sordel. Si en effet cène pièce a été admise dans ce chansonnier d'origine italienne, c'est parce qu'elle passait pour être de Sordel, bien qu'elle ne soit probablement pas de lui. Mais on peut dter d'autres cas l'admission de chansons françaises en des recueils spécialement consacrés aux troubadours, prouve qu'elles ont été réellement connues et goûtées dans le Midi de la France. Ainsi le chansonnier du Vatican 3208 contient trois chansons françaises^ de chacune desquelles nous possédons d'autres copies dans les chansonniers français. Sans doute ce ms. a été exécuté en ItaUe, mais cette circonstance est ici sans importance, parce qu'il reproduit à n'en pas douter des extraits de deux chansonniers perdus qui ont être composés dans le midi de la France.

Le chansonnier B. N. fr. 856, exécuté dans la partie occiden- tale des pays de langue d'oc au commencement du xiv* siècle, contient (fol. 376), sous le nom d'un Gautier de Murs du reste inconnu, une pastourelle française, qui ailleurs se trouve ano- nyme 3. Le même ms. nous a encore conser\é deux chansons françaises 4, Tune (fol. 379) de Thibaut de Blaison {Anwrs ge m me planh tniCy qui se retrouve dans le chansonnier d'Urfé (fr. 22543), mais que les mss. français n'ont pas, l'autre (fol. 350) de Pierre Espagnol (jOr Iruet:^ sus y francha corte:^a gans),

1. Bartsch, Rom, u. Pas t. y p. 109; cf. Jahrh.f. rom. u. engL Liter,^ XI, 3.

2. Voy. RomauUiy XVII, 304-$. L'une de ces pièces est la chanson S'otjqties nus Jwm por dure dt'spartiey dont il sera question plus loin.

3. Texte dans Bartsch, Romdn:^cn u. Pastourelîetiy p. 358. i\. Mahn, 0V</., n»» 729, 730.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS JJ qui se retrouve également, et avec la même attriburion, dans le chansonnier d'Urfé' et manque partout ailleurs.

Le chansonnier d'Urfii a admis sous le nom de Thibaut de Blaison (Tibavt de Biiion, dans le ms.) une chanson française' qui est anonyme ailleurs (Quant se resjoissent oisef).

Le ms. fr. 1749 renferme une sorte de danse ou de ballade en français'.

Il est i peine besoin de rappeler que les deux pièces de Richard Cœur-de-Lion Dalfin icus voii desrenitr et Ja nus hotii pris, dont la première ne se trouve que dans des chansonniers provençaux, sont proprement en français.

D n'a pas arriver fréquemment que des chansons fran- çaises aient obtenu assez de popularité dans le Midi pour servir de modèles k des poètes provençaux. Voici cependant deux cas qui ne sont sans doute pas les seuls ce fait s'est produit.

Vnparlimen de Bertran* et de Sordel, composé aux environs de 1230 ou 1240, commence ainsi :

Bertrans, la joi de dompnas e d'amU Qli'ivett agut, ni ja nuUa sizo Aureu, cove que perdaiz per razo, 01 preï d'annas c de cavallairia ; Pero cela a cui vos etz aclis Creira ses plus qu'ab annas siati fis. Qpal voletz mais laîssar a vostra via,

0 retencr? qu'ïeu saî ben quai pcnria'.

Il n'y a pas de doute que Sordel a emprunté la forme de la célèbre chanson d'Hugues de Berzè :

S'onkes nus hom, por dure départie

01 cucr dolent, dont l'ai je par raison. Onkes toitrc ki pert son compaignou Nu Al un )or de moi plus esbahie.

1. N" 8j7 de ma description de ce ms. Cette pièce ei la précédente ne sont point relevées dans la BibliagiaplAe de M. C. Raynaud.

2. Barisch, Ram. u. Past., p, 343. j. Bansch, Dtiihmalcr, p. 4.

4. Bcrtran d'Aurel; cf. Romania, X, 163.

5. Mahn, Ca/., n** 1266 et 1167. Je refais le texte i l'aide des deux copies,

36 p. MEYEX

Cavrmgtoe s tcreeîsoci pais» Qïuciu se pin et ses conzis a=£s» Mâîs n n'es: z=5 cocgits. ke ke xnis iîc. Si dolerecs ke •Tsin: et d'asiîe.

L'imitadon de la forme est complère. Les couplets m et IV riment dans la pièce française en -cndri^ -/, -or et de même en provençal. On a vu plus haut que la pièce de Hugues de Berzé avait été connue dans le Midi.

- Le second cas est un peu moins certain. D'une pan Guiraut Riquier, d'autre part Gilleben de Bemeville. Ces deux poètes sont contemporains. Il est possible, après tout, qu'il y ait eu un modèle commun.

G. RlQICIER'. GnJ~ DE BERXEVnXE*.

A Miqucl de Castilho Quidoient li losengier.

Et a Codolen deman Por ce se il m'ont mend.

Si deu saber mal o bo C2pe je me doie esloingnier

De si dons a &n a3rman 4 D'amors et de mon ami. 4

S'il fa esgart non chalen En non je Tamerai

A vista de tota gen. Et bone amor servirai

Si selat Kuit et jor,

Lo y fa de bon grat, Sans fere folor,

Mas res non Tautreya Et s'iere envoisie.

De so quel guerreya. 10 Chantant et jolie.

Il semble à première vue que, si des traces d'influence fran- çaise doivent se manifester quelque part dans la poésie proven- çale, ce soit principalement chez un troubadour des derniers temps , comme était Guiraut Riquier, qu'il y ait chance de les rencontrer; et toutefois je n'ai reconnu chez Guiraut Riquier aucun emprunt bien caractérisé. Il a fait, à la vérité, des retroen- chaSy poésies dont le nom indique l'origine française, mais l'imi- tation n'est pas directe^ car la retroencha existait avant lui dans la littérature provençale.

Retroencha ou retroen^ci est, en effet, un mot d'origine fran- çaise. Le plus ancien exemple qu'on ait de ce terme dans la lit- térature du Midi est, je crois, celui que nous fournit une pièce d'Isnart d^Entrevcnncs , si toutefois, comme je présume, ce

1. Rcv, del. rom.f 4, II, iio.

2. Schcicr, Trouv. belges, I, 120.

LA POÉSIE DES TROUvtRES ET CELLE DES TROUBADOURS 37 troubadour n'est pas distinct da pcrsoonnge du même nom qui fut, en 1220-1, le premier podestat d'Arles'.

Ekl sonet d'en Blacax Sui tact fan envc^'os Qjie descortz e chanzos

Vient ensuite, mais sans doute i bien peu d'intervalle, uttj exemple de Flaniema :

Per lot' Alvergn' en fan cansos E SETventes, coblas e sos 118) O eitTtbat o reiroencha

D'en Archimbaui com len Flamencha.

La date de Fiamenca peut être fixée, grSce à une ingénieuse^ découvene de M, Ch. ReviHout, à l'année 1234 ou 123 j ^. La rrtromclfa figure aussi dans Venscnhamcn de G. de Cabrera, au nombre des genres poétiques dont le jongleur Cabra ne saurait citer aucun spécimen i. Ce témoignage n'est pas daté : il peut être postérieur à celui de Flamenca, comme il peut être anté- rieur, mais, dans l'un et l'autre cas, d'un petit nombre d'années seulement *, J'en dirai autant du Trésor de Peire de Corbiac, l'auteur se vante de savoir retroemhas f dansasT. Au milieu du XIII' siècle environ appartient !a vie de Raimon de Salas, on lit : « Raimon de Salas si fo us borges de Marseilla, e trobet can- sos et coblas e retroenchas. n Les reirocnchas de Guiraut Riquier

I. Voy, Saoïil de Cambrai, éd. Meyer et Longnon, p. Ij, note 2,

1. H semble que dans cet exeniple retroeuia soit de trois syllabes, comme

U forme plus Lirdi\'e relroneha, i moins qu'on préfère supprimer 1.

j. Remorquons que l'auteur écrit ici Flamencha pour la rime. La forme

presque constante du ms. est Flamenca; en rime avec Iretica vv. 11 27, 7733 ;

tiec vmai (qui ne saurait "_élrc vendia), v. 1237; avec aprohenca, v. 2456.

4- Voy. Remania, V, m.

5- Battsch, Chmt. pnx'.,4' id., 8;, 4.

6. j'ai diidans la préface de Daurel et Bcton (p. i, note i), que je ne par- tageait pus l'opinion de Milâ y Fontanals, îelon qui Veiismliamtn aurait été eompmé wn 1 1 70.

7. Ed. Sachs, V. 816, Galvani, Osiervaiioni, etc., p. 336, Bartsch, Chrejt. fr- 117. IS.

38 p. MEYER

sont datées de 1270, 1275 et 1279' ; celle de Jean Esteve est de 1281^. Retromcha s'est altéré, peut-être sous Tinfluence d'une fausse étymologie, en retronchUy forme adoptée par les auteurs des Leys (I, 346), qui en ont tiré le verbe retronchar (I. 286) î. Mais l'altération paraît être plus ancienne que les Leys, car on lit dans les Rut^os de trobar de R. Vidal (je cite d'après le ms. Laudau) :

La parlâdura francescha val mais et es plus avînenz a far rotnanz, retromas e

pastorellas.

(Studj difiloî. roman^af I, 3 S?.)

RetromaSy qui est aussi la leçon du ms. Riccardi, est évidem- ment fautif : la bonne leçon est conservée par le ms. de Madrid sous la forme catalanisée retronxas^^ on reconnaît la retrancha des Leys. La même forme est donnée, avec définition du genre, dans la Doctrina de compondre dictais "^^ qui fait suite, dans le ms. de Madrid, aux Ra:^s.

Les exemples français remontent à une époque bien plus ancienne. La forme habituelle est rotruengCy accidentellement modifiée en retruenge, rotuenge, rotelenge.

Mult aveit par la terre plurs e dementeisuns ; N'aveit vieles ne rotes, rotruenges ne sons.

(RoUj éd. Andresen, v. 2349-50.)

N*i aveit pas reprueces ne dite vilanie, Mes suns e rotruenges e regretcr amie.

(Jordan Fantosme, v. 1305-6.)

Asquantes dient sons pur li (Rimel) rehelegrer, Rotruettges et vers de chansons haut et cler.

(Hom, V. 1247-8.)

1. Mahn, H^erke, IV, 80-3.

2. Parn. occit.^ p. 347; G. Azais, Troubadours de Bêj^iers, éd., p. 105.

3. Cest donc à tort que RajTiouard a distingué retronclxi (Lex. rom. V, 80). et rctroncJxi (V, 481). C'est à tort aussi qu'il a rattaché reironcba et reiroficJMr au latin truncare, et traduit retronchar par a retrancher, couper », le sens étant répéter un vers, qui forme refrain. Sous retroencha^ Raynouard ne cite que les exemples de Guiraut Riquier. On a vu qu'il y en a bien d'autres.

4. § 7, Romania, Vî, 346.

5. S$6et 22, ibid., 356, 358.

LA POESIE DES TROUVERES ET CELLE DES TROUBADOUHS 59

Li obeaus lii â afaitiés

A dire lais et nouveaus sons

El rotTucngii et chançons,..

(Lai de l'oiselet, éd. G. Paris, v. 90*2.) Ge sai conter beax diz noveax, Rotruengfs vicï ei noveles Et sirventois et pasioreles.

(Iks Jeux bordeon ribau^, MonUiglon , Fahlimix, p. 11 ; Jubiiul, Rutcbatf, £J. III, iz.) Si chantent li un rolruengrs.

(Roman de la Rose, v. 7S).) De ce vicnent les beiutz notables Oevres de mains fds delitables, Noies et estampiez belles De ces rotcUnges nouvcles.

(Renarllfcmilrefall,B.îi.ft. J69, fol. ii: d.) Le glossaire latin français dont M. C. Hofmann a publié incorrectemcm quelques extraits , traduit c e 1 c u m a ' par rotuenge^, et au xv siècle encore, il est question, pour la der- nJtre fois, je pense, Jes rothumges dans les Règles de seconde rhe- toriqui; mais dès lors il est visible qu'on n'a plus de ce genre de poésie qu'une notion obscure'.

A ces témoignages il faut ajouter, naturellement, ceux que fournissent les auteurs de rotruenges à l'envoi de leurs compo- rtions : Trà or veut ma reirawange définir (anon., mon Hecueil d'aneiais Icxles, p. 377+); Ma rotruenge finera (G. de Soignies;

t. M. HofmanD lit eiUtiina! maïs la bonne leçon est dans Du Gange. 3. Dans le glossairc latin -Irançais publiiï par Escallier, d'après un ms. de Douai, on lit » celeuraa rmieiigt », il faut visiblement corriger rotï]"*^*. î- Bibl. n»t., Nouï. acq. fr. 4237, toi, îO. Voici le passage :

ttitU cutlc t

4. Pî£ce publiéesous le nom de Gontierde Soignies, pArM.Schelcr, Troini. bdgei, II, 4). M. Scheier s'en eomplilemcnt mépris sur le rhyihme de celte pic«. n ne paraît pas avoir su que je l'avais éditée avant lui.

^o p. MEYER

Schcler, Trouv, belges. H, 12). Rotruenge, si f envoi en Bourgoigne (id., ibid., n, 25); rotruenge H envoi (id., ibid., II, 27), ma rotrœnge finerai (id. ibid.. H, 71); Retrowange novelle \ Dirai et bonc et belle (J. de Cambrai, Wackemagel, xlij).

Il n'y a aucun doute que rotruenge^ avec un 0, est la forme la plus autorisée. Les deux exemples de retrowange, avec e, cités en dernier lieu, se rencontrent dans un seul ms., le chansonnier de Berne. Il faut donc rejeter absolument l'idée de Wacker- nagel ÇAltfr, Ueder, p. 183), selon qui la forme correcte serait conservée dans le provençal- retroensa, d'où Tétymologie retroientia, inconsidérément adoptée par Diez(^â?r/. II c)^ Cette étymologie ne se discute même pas. Elle ne donne aucun sens raisonnable, et alors même qu'on prendrait retroensa pour le type le plus ancien, elle violerait toutes les lois phonétiques auxquelles un mot comme retroientia peut être sujet. Rétro, notamment, ne peut se conserver en roman : c'est r«>^ en prov. et riere en français.

La rotruenge ^ est essentiellement une chanson à refrain, peut- être une chanson à danser, comme le suppose Wackernagel. S'il en est ainsi, ballade et rotruenge auraient fait un curieux chasse-croisé, ces deux termes, désignant au fond la même chose, auraient été importés le premier du Midi au Nord, à la fin du xur siècle, le second, au commencement du môme siècle, du Nord au Midi. Mais, en fait, il n'est pas sûr que rotruenge soit proprement une chanson destinée à marquer la mesure d'une danse. Ce qui me paraît le plus vraisemblable, c'est qu'à l'ori- gine, rotruenge s'appliquait plutôt à la mélodie qu'aux paroles. Il faudrait donc, ;\ mon avis, en revenir à l'étymologie indiquée jadis par Le Grand d'Aussy, qui met en rapport la rotruenge avec l'instrument à cordes appelé rote. Ainsi rotruenge serait

1 . Avant Wiickcrnagcl , et pcut-Otrc à son insu, elle avait été proposée par le ct>nite C;.ilvani OssenHi^ioui siùla pœsia de' Trci'atori, p. 160.

2. w Les rotmenges étaient des chansons A ritournelles qu'on chantoit en s\u\HMupagn.uit de la rote » Fahl, ou contins, I (hc éd.), 309. Roquefort, citant ce p.i>saf;c d.ins son livre De Tc'/cï/ J<- ta poésie française dans les xiic et xiiP siècles, l\ui>. itHiS), a tort d'ajouter que « jusqu'à présent on n'a pu déterminer le »t caiactère du (sic) rotruenge^ dont on ne trouve aucun exemple dans les «1 manuscrits !ran«;ois » Nous possédons, au contraire, comme on a pu le voir plus haut, un assez grand nombre de rotmenges.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 4I analogue à roterie, qui désigne un air joué sur la rok. Je ne suis pas ea état de rendre compte exactement de h formation du mot, le groupe ru est embarrassant; la finale -enge, si je ne me trompe, est le suffixe qu'on rencontre dans blaslenge, laidenge, hsengt, etc.

Au fond, les Provençaux, en eiiipnmtant rotruetigc aux trou- vtres, n'ont guÈrc fait qu'adopter un mot nouveau pour une composition qu'ils avaient déjà, car, la mélodie laissée de côté, i ne considérer que la forme, je ne vois pas de différence entre les TOtruaiges françaises et les chansons provençales à refrain , telles que la Chamoncta leu et plana de Guiilem de Bergucdan. n est probable, toutefois, que les chansons provençales de ce genre étaient chantées avec accompagnement d'un instrument autre que la rote*.

\1. CONCLUSION.

La conclusion qui se dégage des menus faits groupés dans les pages précédentes est que la poésie lyrique du Midi et celle du Kord se sont trouvées en contact et ont exercé l'une sur l'autre une influence appréciable, l'action de la première se manifestant i une époque plus ancienne et avec une puissance bien autre- ment grande que celle de la seconde. C'est l'inverse de ce que nous observons pour la poésie narrative. Peut-on aller plus loin et supposer que la poésie amoureuse des trouvères a été conçue dès l'origine à l'imitation de celle des troubadours? Pour ma part, je ne serais pas éloigné de l'admettre en une certaine mesure, pourvu que l'on concède aux trouvères une assez grande part d'originalité. Je ne vois rien, à vrai dire, qui s'oppose à une telle hypothèse, mais je ne crois pas, toutefois, qu'elle ressorte avec évidence des faits connus. Ce qu'on peut dire de plus solide en sa faveur, c'est que les éléments d'information dont nous disposons forment une série bien incomplète. La poésie amoureuse n'est assurément pas née en France avec Cuene de Béthune et Hugues de Berzé. Cependant il ne nous

1. la rôle ne parait pas avoir tiû d'un fréquent usage dans le Midi ; li exemples de nia soin rares. Raynouard, V, 116, eo cite un de Guiraut t CiUnwn, auquel on peut ajouieri^JiiiJKnM, v. 597.

42 P- MEYER

est parvenu que de bien rares échantillons de la poésie anté- rieure à ces deux trouvères. Or, c'est vraisemblablement dans cette phase presque ignorée, vers le milieu ou la seconde moitié du xii^ siècle, que nous aurions chance de rencontrer les traces les plus nombreuses de Tinfluence provençale. Et d'autre part, il n'est point du tout certain que les troubadours dont les com- positions nous sont parvenues en plus ou moins grand nombre soient précisément ceux qui aient servi de modèles aux trou- vères. Nous ne connaissons au xii' siècle que les troubadours les plus renommés , et particulièrement ceux qui fréquentèrent les cours du Midi, mais il y eut assurément, au même temps, une infinité de jongleurs de second ordre, dont les œuvres et même les noms ne se sont pas conservés , surtout s'ils ont été chercher fortune dans le Nord. En somme, nous opérons sur des données incomplètes. Il manque des anneaux à la chaîne, ce qui autorise certaines restitutions hypothétiques. Mais l'influence d'une littérature sur une autre ne se manifeste pas uniquement par l'emprunt de formes poétiques ou de certaines idées destinées bientôt à devenir lieux communs. Elle s'exerce d'une façon plus large et plus haute en excitant les esprits et en faisant naître le sentiment de l'émulation. Si on se place à ce point de vue, on reconnaîtra que l'influence de la poésie des troubadours sur celle des trouvères s'étend bien au delà des rapports matériels que Ton pourra jamais constater. Si, à la fin du XII* siècle et au xiii"^ il se forma dans la France du Nord, notamment en Champagne, quelques centres littéraires un certain genre de poésie amoureuse, pleine d'élégance et de conventions, fut en grand honneur, c'est parce que plusieurs cours seigneuriales du Midi en avaient donné l'exemple. En ce sens on peut dire que la poésie courtoise des pays de langue d'oui, et spécialement la poésie lyrique, est en une grande mesure dans la dépendance de la poésie des troubadours.

APPENDICE

LES SOUHAITS DE PISTOLETA

L'exemple le plus caractérisé que je connaisse du passage d'une chansoQ provençale dans la poésie du Nord de la France est fourni par une pièce du troubadour Piscoleta. Il ne s'agit pas ici seulement d'une transcription plus ou moins incorrecte, exécutée par un copiste des pays de langue d'oïl : l'adoption a été complète et est attestée par les remaniements divers qu'a subis la composition originale. Pistoleta fut un poète de second ou de troisième ordre. S'il faut en croire son biographe, il naquit en Provence et commença par Être le jongltjur d'Arnaut de Mareuil, qui était d'une tout autre région. Il se mit bientôt i Iromfr à son tour, mais avec peu de succès. Il finit par s'éta- blir à Marseille, s'y maria, se livra au commerce et fit fortune. A ces notions, que nous n'avons aucune raison de révoquer en doute, mais qu'il nous est tout aussi impossible de contrôler, nous pouvons ajouter que dans l'une de ses pièces' Pistoleta fait l'éloge d'un comte de Savoie, qui devait être Thomas I (1188-1233), et que deux autres^ sont adressées à un roi d'Aragon, probablement Pierre H ou Jacques I. Si en effet sa carrière poétique a été assez limitée, comme il le semble, et s'il a commencé par être au service d'Arnaut de Mareuil, tout porte 3 croire qu'il composait au commencement du xiil' siècle. Disons enfin que, selon les apparences, nous n'avons pas le vrai nom du poète : Pistalelay en effet, « la petite lettre », semble être un surnom de jongleur, surnom assez approprié, puisque ces utiles auxiliaires de la poésie sen-aient en une certaine

I. Mania grtii f as laeravilhar. dans le Paru, occil.^ p. jSi. ï. Ailan iospîr; Mahn, Gaf., 304; AtK nuUs nuls hom, Napolski, Lebcn *. fftrki d. trobadors Pon^ de Capduoill, p. loi ,

44 P- MEYER

mesure de poste aux lettres ^ Ce troubadour, qui ne se distin- guait par aucune qualité éminente, eut un jour la fortune de mettre la main sur une de ces idées qui sont de tous les temps, que chacun a conçues et exprimées plus d'une fois en sa vie, et dont personne ne réclame la propriété. Les idées de cette sorte donnent la popularité à ceux qui savent les formuler à la satisfac- tion de leurs contemporains. Celle que notre poète développa, avec une évidente sincérité, se résume en un souhait de la richesse et des biens qu'elle peut procurer : « Car c'est chose « pénible d'être toujours, pauvre et honteux, à la recherche de <c petits gains. Aussi voudrais-je me tenir confortablement dans « ma demeure, accueillir les pauvres, héberger tout venant, et « donner libéralement. Ainsi ferais-je, si pouvais, et si je ne « puis, il ne faut pas m'en blâmer. »

C'est probablement pour arriver plus vite à la réalisation de ses vœux que Pistoleta se fit marchand à Marseille.

Les souhaits de ce genre varient selon les époques et aussi selon l'âge et la condition sociale de celui qui les forme. Pistoleta ne demande pas la jeunesse, d'où nous pouvons induire qu'il était encore suffisamment jeune; il demande surtout le moyen de f;iire bonne figure dans le monde : il cherche à paraître. Un pauvre paysan calabrais dont j'ai, il y a bien longtemps 2, rap- proché les modestes désirs des souhaits de Pistoleta, ne demande guère plus que le nécessaire :

Puissé-jo avoir deux mesures de blé,

de quoi passer ce noir hiver 1

Et puis je voudrais avoir une bonne baraque

pour faire des crèmes cuites et des fromages ;

et puis je voudrais avoir un bon cochon

pour faire du lard et du saindoux ;

et puis je voudrais avoir une fille belle comme la lune,

pour me tenir compagnie le soir.

Il est probable que les poésies populaires des différents peuples renferment plus d'une pièce exprimant des vœux de ce genre î.

1. Voy. mon édition de Flamenca, p. 381.

2. Revue critiqtte, 1866» II, 301, compte rendu des Saggi dei diàktti greci ddl Ilalia tturidionalc de M. Comparetti.

3. On peut citer par ex. quelques vers, qui semblent tirés de quelque

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 45

La pièce de Pistoleta se rencontre, sous sa forme originale,

dans huit chansonniers provençaux, dont voici l'indication avec

les lettres par lesquelles je désigne chncun d'eux dans les

variantes :

Paris, BiM. nat.fr. 854, fol. 138' A

MoDÈNE, ms. d'Esté, fol. 178 B

Milan, Ambr. R. 71 sup., fol. 103 C

Paris, Bib!. nat. fr. 15211, fol. 68 V D

856, fol. 336 E

Florence, Bibl. naz. 776 F 4, fol. Ixxx (venant

de S. Spirito) F

Rome, Vat. 3206, fol. 4 G

Paris, Bib!. nat. fr. 22543, '"'■ S^ «^ H

En outre, le dernier couplet est cité, sous le nom de Pisroleta, dans le Breviari d'Amor, éd. de Béziers, II, 514'.

Entre ces huit mss., trois seulement, A B E, placent cette pièce sous le nom de Pistoleta. Dans H et dans la table de E elle est anribuce i Elias Cairel. Partout ailleurs elle est anonyme *.

poème devenu populaire, écrits

inifrieurdo ms. B, N, fr. 15468 (anc. Suppl. fr. 83) !

Cc&t mUie ocus ci ung bon fhcvil Avoyr foii, uns )iFaii tratyr mal

t. Même texte dans le nu. I247}, fol. 123 il, qui tu uitfe exemplaire du niémc recueil.

3. CE. Mahn. Ged. d. Tmib., I, 104-5.

;. Bartscb, dans sod Gruniria (;72, 3, | pèoc esi attribuée à Pistoleta par i;2ii (ne Milan {aaxrv Q. Elle est anonyme dans l'i [US cettt erreur en ce qui concerne le m inÉpiùc vient Je ce que la piàce de Pistolet de troii pitces mises avec raison Kragt, Situ poguis ma vduntat, c' UA. loa, une pièce aDonyme, qui est en réalitij de Pistoleta Ane mais nuls hom mr fe afodtrati, et enfin la pièce Âr aguts. M. Bartscha cm que ces deux der- nières pi6xs étaient, comme les précédentes, aîtribuées à Cadenet, mais rien, ni dani le ms. ni dans la description faite par GrQtzniaclier (Hctrig, Archiv, XXXIti 198), n'autorise cette supposition.

. 179), affirme i tort que cette

e D) et à Cadenet par le ms. de

n et dans l'autre. Je ne m'explique

. Pour le ms. de Milan la

a est précédée, aux fol. 101 et 101,

n de Cadenet {Ail cum dona tic

■aild). Vient ensuite, ai

46 p. MEYER

Dans D elle est précédée de la rubrique QestCy qui veut proba- blement dire « requête, souhait ». Dans f , il y a en tête le mot oraty que M. Stengel, décrivant ce ms. {Rivisia difilologia rofnanxfiy \, 30), rend par oratio; mais orat est provençal et veut dire « prière, requête^ ». Dans G notre pièce se trouve entre des jeux-partis et est précédée indûment de la rubrique /wr/fm^;[.

Il ne saurait toutefois subsister aucun doute sur la paternité de Pistoleta. L'accord des mss. -4 5 £ et le témoignage de Matfre Ermengaut constituent une preuve suffisante. Notons en outre que la forme strophique abah ccddy Tune des plus simples et des plus communes qu'aient employées les trouba- dours, est assez habituelle chez Pistoleta, qui en a fait usage, comme ici en des couplets de vers décasyllabiques, dans trois autres de ses pièces : Aitan sospir mi venon mit et dia^ Ane mais nuls hom nofo apoderat:^^, Bona domna un conseil vos deman.

Devenant populaire, la poésie de Pistoleta fut interpolée et modifiée de diverses façons. Entre les interpolations qui seront étudiées plus loin en détail, il en est une qui est encore d'origine provençale : celle du ms. F, qui consiste en trois couplets dont deux se retrouvent en deux copies exécutées en Italie. Une autre, de deux couplets, nous est fournie par le seul ms. D : elle est, selon toute apparence, d'origine italienne^. D'autres enfin, plus nombreuses, ont été faites dans la France du Nord, et ont pris place en des textes si transformés qu'on y reconnaît à peine quelques fragments de l'œuvre de Pistoleta.

Il est curieux de suivre ces remaniements divers, en partie indépendants les uns des autres, l'œuvre primitive se réduit au point qu'il n'en reste, en certaines rédactions, qu'un seul couplet, le premier, tandis que de nouveaux couplets sont intro- duits où sont exprimés des souhaits, parfois assez vulgaires, mais toujours intéressants en ce qu'ils caractérisent l'esprit et la condition de leurs auteurs.

1 . Ainsi dans la pièce de B. Paris (Gtiordo ieus fas) : Ni de Feton (ms. d'Aifon , cf. Romamay VII, 456) lo fol orat quefe,

2. On sait que ce chansonnier (i 521 1) a été exécuté en Italie, à Texception des cahiers du milieu, renfermant une collection assez complète des poésies de P. Cardinal, qui ont été écrits dans le Midi de la France. Il y a, dans la partie d'origine italienne, d'autres pièces interpolées, notamment Vaîba de Guiraut de Bomeil; voy. mon Recueilj p. 83, note des couplets vi bis et vi ter.

LA POèsm DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 47

Le texte qui suit est, sauf les très légères différences marquées en note, celui du ms. 854 {A).

I Ar agues eu mil marcs de fin argen Et atrestan de bon aur e de ros, Et agues pro civada e formen,

4 Bos e vacas e fedas e moutos,

E cascun jora .c. livras per despendre, E fort chastel en quem pogues défendre, Tal que nuls hom no m'en pogues forzar,

8 Et agues port d'aîga dousa e de mar.

II Et eu agues atrestan de bon sen

Et de mesura com ac Salamos,

E nom pogues ùlt ni dir faillimen, 4 Em trobes hom leial totas sasos,

Lare e meten, prometen ab atendre,

Gent acesmat d*esmendar e de rendre,

Et que de mi nos poguesson blasmar 8 E ma colpa cavallier ni joglar.

III Et eu agues bella domna plazen, Coinda e gaia ab avinens faissos, £ cascun jom .c. cavallier valen

4 Qpem seguisson on qu'eu ânes ni fos Ben amescat, si com eu sai entendre ; E trobes hom a comprar et a vendre, E grans avers no me pogues sobrar

8 Ni res faillir qu'om saubes atriar.

IV Car enueis es qui tôt an vai queren Menutz percatz, paubres ni vergoinos, Perqu'eu volgra estar suau e gen

4 Dinz mon ostal et acuillir los pros Et albergar cui que volgues deissendre, E volgra lor donar senes car vendre. Aissi fera eu, si pogues, mon afar,

8 E car non pois no m*en deu hom blasmar.

I. I mils. 5 chascun. 7 no m'en , ms, nom avec une barre sur Pm.

n. 2 cum. 4 E t. 7 pogueson.

m. 3 chascun ...maint c. $ amassât. ...cum.

IV. I enoios. 4 los bos.

48 p. MEYER

V Domna, mon cor e mon castel vos ren £ tôt quant ai, car etz bella e pros ; £ s'agues mais de queus fezes presen,

4 De tôt lo mon o fera, si mieus fos,

Qp'en totas cortz pois gabar ses contendre Quil genser etz en qu'eu pogucs entendre. Aissius fes Dieus avinent e ses par

8 Qpe rcs nous faill queus deia ben estar.

VARIANTES

I. i. G blanc a.

2. £ F £t autres mil G if fin a. De fin aur e de ros était une locu- tiott courante. On Ut au v. 4J0 du poènie de la guerre de Navarre : Det lor .XX. milia onças de fin aur c de ros.

3. D £ pro civadas.

4. C £ bos e vachas F B. e quavals. $. D mils 1., G mil 1.

6. H fortz castels B o me p., iif on mi p.

7. C no me p., D no mi p., F F nol mi p., H no lom p.

II. 2. C G c. agui.

3. CFFCr£ no p. D Che no if due tou mos fatz fezes ale- gramen.

4. B £ t. nom, C D G fi t. m*om.

5. B Lare e mercn pro tenen, D £ lare metc[n]t, H Francx e donan.

6. D Ben a. demandar Ce vers manque dans H.

7. B pogues bon, F pogues hom H Tal que nulh hom nom pogues b.

8. C D G A ma, F £n mia, H Ni encolpar.

III. I. C F domna e p., i/ pros don* e covinen.

2. C jD C, e cortes*, G C. e graza, H jovencta ab G avinen respos.

3. if £ que agues .M. A B maint c.

4. C otnet qu' ff lai on ânes.

5. i4 B. amassatz, D B. asimat, F F B. arrezatz al miels qu'ieu,

H Gent arezatz al miels qu'ieu.

6. G £ trobesson, H £ que trobes.

7. D Ni g.

8. D Ch'icu sabes dema[n]dar, G q'hom saubes autreiar F F N. Sofranher rcs (F ren) qu*icu volgucs donar H, ayant omis Je der- nier vtot du V. 7, donne les deux vers sous cette jor me : E nulhs avers nom pogues ni res falhir c*om pogues demandar ni dir.

V, 2 etz, ww. es. 6 eu manque, 8 noill f.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 49

IV. Ce couplet vianque dans H et dans G il est d'um autre écriture que le reste du ins. i. E F G xoi Tan D Car uei ce tuz uan ceren.

2. D M. fîaitz F Gip. e v.

3 . G savi e gen.

4. A Bios bons.

5. C cui qi V., D £ a. a ce v., G qi que i v.

6. G E qi inqueres (pour E qim queres).

7. B feirra eu, E leyrieu, F feira (eu omis) G Aisim fana (eu omis) D Ensil faria sel poges far.

V. Ce couplet nuinque dans D G H. H est cité dans le Breviari d'amor 2. etz, tous les mssy sauf £, o«/ es 4 Brev, en f. 6. A omet etz ; tous les mss. ont es, sauf E et Brev, C en që, F en

quem. 8. A noill f. C Q.ê ren non f. qe.

Arrivons maintenant aux interpolations. Le ms. D intercale entre les couplets III et IV les deux sui- vants, qui sont bien mauvais :

III' E ieu aguesa iquest solament

Al segle durar tro c*a la finizos,

Jovens, gais, sens dol e sens torment, 4 £ al partir de ma vida perdons,

E nula gent no mi pogues co[n]te[n]dre

Cittat ni roca, s'ieu Ta volges pre[n]dre,

E toç so c'ieu volges despcnsar 8 £ donas e cavaliers a deportar.

Ili) E ieu âges tant de conoisime[n]t

De cascun hom de tut cel que e son

Qji'eu veses en mon proponime[n]t » 4 Tôt son affar com el fos poderos,

E com poges donnar o despe[n]dre,

O adstar o retemr o re[n]dre,

£ no volria om lausar 8 Ni plus ni men ce porta sun afar.

Le ms. F (San Spirito) intercale entre les couplets III et IV les trois couplets suivants auxquels j'assigne les n°* III^, IIP, III> :

I. Ce mot suffirait à prouver l'origine italienne du couplet.

Momania, XIX.

3-*

Q-j^l 'Tdi^âer: -':•: U iz::; icc rc^.ùS3Ùxs^

X Hj izi'U Jzhi'.^ o: iil: 'vC^xr: hzr:-; E ixif.^ 'Ké DUu: '^r. Xi -Vf iTiUnlri Td rÀûz. tcr-us tzt Iz «v^ rrjiV t imtSre

8 £ pc^.ids lis ziJrj^ d'nfiTK p*^'

Cj^ trois couplets sont sûrement interpolés. Je ne crois pas qu'aucun soit de Pistoleti. Pour !e premier, on pourrait, à première vue, concevoir quelque doute. Il contient une allusion évidente à la mort du roi Pierre II dWragon, tué à la bataiUe de Muret (12 13). Or, comme Pistolea a adressé certaines de ses pièces à un roi d'Aragon qui peut tort bien être identifié avec Pierre H, il ne serait pas impossible qu'au nombre de ses souhaits il eût introduit celui de venger la mort de son protec- teur. Mais, outre qu'il est peu probable que la pièce ait eu plus de cinq couplets, il faut reconnaître que si les couplets Hl^ et lU} sont interpolés, et ils le sont certainement, lÛ^ doit être dans le même cas. Le roi de Navarre mentionné au deuxième vers doit être Sanche Vil (i 194-1224), à qui la victoire de las Navas de Tolosa (16 juillet 1212) avait valu un renom glorieux; voy. Guill. Anelier, Hist. de la guerre de Navarre^ vv. 14-84.

Qiiant aux couplets III^ et 1113, ils sont aussi faibles comme

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS J I idée que comme expression et ne peuvent aucunement être attribués à Pistoleta. Nous allons les retrouver, avec de nom- breuses altérations, en deux autres copies.

La première de ces deux copies est Tceuvre d'un Italien, comme certaines particularités de la graphie le montrent. Elle a été écrite au xiv siècle, avec quelques autres morceaux tant provençaux que français, sur l'un des feuillets de garde du ms. Bibl. nai. fr. 79s ', qui est de la seconde moitié du xiii' siècle. Dans cet exemplaire, la pièce a cinq couplets, mais trois seule- ment, le premier, le second et le quatrième, se retrouvent dans la chanson de Pistoleta. Le troisième et le cinquième ne sont pas différents des couplets IIP et IIH du ras. de San Spirito. Je les mets en italiques pour les distinguer nettement de ce qui appar- tient réellement à Pistoleta :

I Hour âges heu mil marc du blanc argeni Ee Auiretant de fin aur ei de rous, E [ajges prou çivada et forment,

4 Bûu e vaches e fedas et motons, E chacun jour mil livras pour despendie, E fort chastel en qui en (sic') poges deffendre Tal que nulz hom no m'i poges for^ar.

8 El âges pott d'aige doçe et de mar.

II El heu âges autreuni de bon sen El de mesure corn hom ag (iiV) Sallamon, E no pouges far ni dir falliment,

4 E irobas me leaus toute saison, Larg et metent, proraetc[n]t ab ateiidre. Gens accsmaç d'esniendar et de rendre, E ja de mi no se poges blamar

5 En ma colpe chevalier ni joglar.

m £t heu m'isia tous temps (Taital jovent Com hourt soi, t ja plus veui ni fas; E tous mis fais plages a loiile gens 4 E laigagrs sabes sentante t doas.

i. J'ai Aotmé la description de ce ras. dans mon Saht d'amour (fiihl. de r£c. ia(A..6«série,m(i867), 1)9, tiré à part, p. 16, et dans le t. I du Cala- lapât dit m)î.Jt<m(iiis.

2. yw « pour quim, comme que ensegesson. IV, 4, pour quem s^tssoti.

52 p. MEYER

£ qutM fkxts Ai pc^jir e dtxatdre^ E mdlj nems n'i/t^ àw ccnUndre^ E q'Soà sAs h otrUÎ dnimir 8 De tout qudmt èom paissj m psu pensar.

IV Et heo âges bella domna pbissant,

Cointe et gaie ab avînent £içoq,

E chacun jour mil diavall' vaglent, 4 Que ensegesson om qu^eu allas ni £ias,

Gent acesmaç al meus qu*eu say entendre;

Et troubas prou a comprar et a vendre

Ni grant aveir ne mi pouges soubrar, 8 Ne riens faglir qu*eu sabes dexirar.

V £/ htu m\sUs a Dm tant Ujîment^

Qiu (1 m^bur fus JU t^tis s^s c^fr.^mmSy Aussi Kvm es sdint Pcr (m sdini Jdun,

4 Ou suint L?ur^H}: tw JUs rru^lours htrons. E ixyts nu Joi un souI Son jtfnJre

TjI ,»«*«< fvi^fs tresicu: U m<{n}à defendrty Qui a Jamytunt 'u?u f^^u^es ^rma anJar^

5 Ei queîi en {vu^es celles aenjfer ^etar.

La coiupanùson de ce texte avec les mss. d'après lesquels la pivVc de Pîstoleta a été éditée plus haut fait apparaître, pour le pivtwicr couplet, une ressemblance marquée avec la leçon du ms» du Vatican : I, u l*iifi: quand les autres mss. oni fin ;2y [in au Hou de ^*«; 5, //;// au lieu de cent. Quant aux deux cou- plets ajoutés, que nous avons déjà lus dans le ms. de San Spirito, \K vaillent un texte indépend;\nt de celui que présente ce dernier lUN, la U\on du ms. 795 est meilleure pour le dernier vers du \\»upUt m {\W de San Spirito) : De tout quant boni pensa ni i\ii^ i^wMV. /\v') /^7ij:jr, au heu de De tôt cant Ixvn sap ni pot pen- \»*» Î\hu le couplet \' (IIU de San Spirito) les différences sont UnV\ wMwidéiaMes.

l x^ x\\\MuU^ cv^pie des deux couplets IIP et IID de San Spirito wvH^x N xV Uuui\iv^ par une Icyon très italianisée et très dénaturée sl> la |M\\c de IMstolcta que M. Mussafia a publiée en 1867 vliw* U^ *.*>^ >,♦,'!» ^tit »ctn,tfiisJ\' uful cn^liscly Litcratur (VUI, usx ^ sI^|mn^\ un u\s, dv^ la Bibliothèque Saint Marc, à Venise, »»u\ umvuwv^ un KvMuan do la Rose. Je vais transcrire cette 'Nx\u^, ^\ns la U\Vn MU^iiuliètx' rubrique qui la précède, mettant, vs^uuus iv»N\N\U\umont, on italiques les couplets qui ne sont pas \l\ kS.uvK^a

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 53

Gestes sunt cinq agura\iî\çes U qud se fistrent ciitque cavaîers^ :^ascun por soi

meestne,

I Ora aùse mille marche d*arçant

Et autretant de fin or e de yos,

Et aûsse a pro çibadas

Bos, vaces, feudes et moltons

Et mille libre çascon zorno por dispeiidre,

Et forte chastel ou me poes défendre,

Si che nul home me poûst fublar.

Et aûse porto d'aqua dolce et de mar.

II Et co aûsse tant de seno

E de mesura cum unqua ave Salamon, Ne no peccar ne far faliment Et trovass me loyal toute saison, Large, prometent e bien attendre A cesccun demandidor de bien rendre. Et che nul home ne poûst blasmar In mia colpa cevaler ne zublar.

III Et io voldravi aver bella donna et avinent, Conta gaya cun bel repos,

Et zascaun zorno mille cevaler valent Qui me seguisse ov' io allasse et o je fusse, Si acesmés como co savravi entendre. Ne no me manchas da comprar ne da vendre Ne nessun gran avoir me poûst fallar Et aver in terra que saûs dimandar.

IV Et eo voîdrai viver ^oant

Tant quant h inondo durera gayo et amoros.

Et li tne faite plasis a tota \ent^

Et saûs parler îenguaço sessant dui,

Et pousse alto voîar e descendre

Ne ntdla reim me poûst offendre,

Si saûs divisar

Quel che Vljomo dise e sa in cuor pensar.

\ Et eo voldrai esser a Deo tant humeltnent Che nCanias tant cumfu ses compagnons ^ Zo e saint Père e saint Paul veiratncnt. Et intrasse per luy vichario dal cclo in jus^ Et poi me %H>lesse il un priego intendre ^ Si che nulla anima poûst in pcrdicion andar^ E che de infem Io poûst fors trar.

Ce texte est tellement corrompu qu'on est porté à le supposer

54 P- >IETER

écrit de mémoire. Le nom de Ticteur éraît endèrement ooblié : Topimon recueillie et consignée par i'écriviin dans b rubrique était que chaque strophe contenait îa série des souhaits d*uo ceruin chevalier. Remarquons que les trois premiers couplets se suivent sans interruption dans Tordre que présente la pièce de Pistoleu. Au couplet III, v. a, la leçon cun M repos, se rap- proche assez de la leçon du ms. du Vatican.

L*un des couplets ajoutés, IQ^ de San Spirito, se rencontre encore, mais arbitrairement modifié et n*ayant conservé de la leçon originale que trois ou quatre vers, dans le ms. de la Lau- rentienne xu-42, fol. 65 :

Eu zxfrrij star jcz^n e lizrr j^su^at Tro a II 'in dil me*: f Jx i i-wj. E ict cantù^is /i^"':*^^" »ï ^^ f^> E tct Taut^i j^v-v zl mû-:» scmjrdjmen

Au^eli i bisU: l:t JhJ:r i cntirin E toi qant v:J^uis s^uhfs hm J:r e far Viitr set û;>:fai i ^f^ air zvJLsr ».

Le ms. de la Laurentienne XLi-42 a été écrit en Italie. D est donc bien établi que les couplets interpolés ont eu du succès au delà des Alpes. Mais ils n')- ont point été composés : ils sont certai- nement d'origine provençale , puisque le ms. de San Spirito a été exécuté en Provence même. On comprend sans peine que le premier de ces trois couplets, celui le poète exprime le sou- hait de venger la mort du roi d'Aragon, ait été laissé de côté par les Italiens. L'allusion historique ne devait plus cire comprise.

Nous allons aborder maintenant les rédactions françaises, qui sont au nombre de quatre. Xous les classerons selon le rapport qu'elles offrent avec la pièce originale de Pistoleta.

I. Bibl. nat. fr. 20050 (anc. S. G. fr. 1989), fol. Ixxix recto. Il y a quatre couplets. Les trois premiers sont à peu près les mêmes que dans la pièce de Pistoleta. Le quatrième est ajoute 2. On en a la preuve matérielle, puisqu'il est d'une autre

1. Suit immédiatement le vers Sitôt mi sut a tdrt a^wîhut, qui est le début d'une des pièces les plus connues de Folquet de Marseille.

2. Je continue à mettre en italiques les couplets qui ne viennent pas de l'original provençal.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS % $

écriture que ce qui précède. Cette strophe a-t-elle été compo- sée par un Français ou par un Provençal? On peut en douter, car si les cinq premiers vers sont en français, les deux derniers sont en provençal. Je crois qu'elle a été originairement composée en provençal, et que le copiste l'a remise en français tant bien que mal, laissant subsister les deux derniers vers à peu près sous leur forme première. Elle est du reste visiblement corrompue puisqu'elle n'a que sept vers, au lieu qu'il en faudrait huit. Quant aux trois premiers couplets, ils offrent un assez singulier mélange de provençal et de français. Avoine remplace civada : c'est une traduction ; mais igussf pour le prov. agues, est tout au plus une mauvaise adaptation. FrielUs pour fedas, est plus accep- table, quoique d'un français douteux'- Les leçons indiquent un rapport plus étroit avec le texte du ms. La Valliére qu'avec aucun autre. Ces deux mss. ont^tj au lieu de bon, I, 2, et tnil au lieu de cen, III, 3 . Plus caractéristique est La leçon du v. 3 du second couplet : Et nfese^ mos fat^ aiigrcnunt; La Vall. : Qm tût^ mos jat^fe::^cs akgramens. Les autres mss. ont une leçon toute cUâerente. Voici le texte du ms. fr. 20030 :

j Kar mgiisx or mil mars de fin argent

Et altretant de fin or et de tous,

El si auguci prou avoine et froment, 4 Bos ei vaches, feiettcs et raoucons,

Et duscuo joT .c. livres por despi-ndre,

Et for[t] chaste) ou me poguez delTcnJre,

Tal que neguns non me poguez forçar, 8 Et s'auguci port d'ague douce et de inar. U Et eu auguez autrctant de bon sen

Et de mesure com out Salemons,

Et si fesez mos faix aligicment,

4 Et trobast m'on Icial toute saison, Large et meiunl obetant probe (iic). Et s poguez prou donar et prou tendre Si que de mei non se poguez blasroar

5 Eq ma colpe cbivaleir ni juglar. ni Et eu agucz donne fcî fut valens,

Bonc et bêle, ob avinanz façon.

56 p. MEYER

Et chascun jor mil chevaliers montanz

Ki fussent la ou eu annes ni son, 4 Ben atomaz si com sai je ' entendre,

Et trobissen a compar et a vendre,

Ne granz aveirs non me poguez sobrar 8 Ne ren faillir que sabissen atirar (sic).

IV Eu vodroie estre emperàre au paiSy Et toTi U mons feist ma voUnteit; Fuise asi 2^ com Asàlon fut ja^ Et vekisse mil ans an grant santeity Et totes dames sifnsmt mongreit, Dont ja neguns nés an poïst hlamaty 7 Et en la fin au paradis andair '.

n. Bibl. nat. fr. 846, fol. 125. Trois couplets, dont un seulement, le premier, vient de la pièce de Pistohta. La traduc- tion est plus complète que dans le ms. 20050. En fait, il ne reste plus rien de provençal, sinon les deux rimes finales en ar. A première vue on pourrait considérer 846 comme dérivé de 20050, les deux textes commençant par Car^ tandis que l'origi- nal porte Ar; mais deux copistes ou traducteurs ont pu se ren- contrer pour un détail aussi peu important. Au cinquième vers 846 a mil y avec D et G, tandis que 20050 a cent^ avec les autres mss. Le second couplet me paraît aussi d'origine provençale, bien qu'il ne se retrouve dans aucun des textes publiés ci-dessus. La rime joioux-foux (prov. joios-foSy franc, joieus-fust) semble déci- sive. Il y a du reste quelque rapport, quant aux idées exprimées, entre les vers i à 3 de cette strophe et les vers correspondants de la strophe III^ du ms. de San Spirito î : Et hieu estes tos temps (ïaitaljoven \ Com aisisoi, equeja vielhs ttonfos, \ E qiie mosfait:i^ plagues a iota gen. Les rimes finales de ce couplet, grat-entrary ne sont rien de plus qu'une assonnance : je suppose ici quelque trouble dans le texte, quoique le sens soit satisfaisant.

Quant à la troisième strophe, elle a pleinement l'empreinte française. Elle exprime sans réticence des vœux qu'il n'était pas d'usage de manifester dans la poésie courtoise des troubadours.

1 . Ms. saiœ avec un i sur Vu,

2. Cette dernière strophe est ajoutée d'une autre main.

3. Cette strophe, comme on Ta vu, se retrouve dans fr. 795 et dans le ms. de Venise.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 57

L'auteur était sans doute un de ces pauvres jongleurs à qui manquait souvent le nécessaire et pour qui les jouissances matérielles des bourgeois et des riches vilains formaient le suprême degré du bonheur. Vin fort et fremiant est du reste une expression courante; j'en ai cité des exemples dans un précédent article (Romaniay XI, 572, 577).

I Qpar eusse je .c. mile mars d'argent

Et autretant de fin or et fust rox,

Et s'eûsse prou avoinne et froment, 4 Bues et vaches et berbiz et moutons,

Et chascun mil livres a despendre,

Et fort chastel que nuns ne peûst prendre,

Tel que nuns bons ne le peûst forçar, 8 Et s'eùst port d'aiguë douce et de mar.

n Et je f tisse frans et dou^ et pîaisan:(y

Jones et sains tout adès et joiouxy

Et fusse bien ante:^ de toutes geti-^ 4 Et li mitudres chevaliers c'onques foux^

Que nuns vers nwi ne se peûst desfendre

Et puis donar quanque chascuns vuet prendre.

Et puisse far a tôt le niotit son grat, 8 Et qiumt tnoi siet en paradis entrar.

III Et f eusse vin fort et fremiant y

Hanap doré, char et tartre et poisson,

Et blanche nape et gastel de froment 4 En froit celicr renfrescin defrès jons.

Et s*eûsse jone garcete et tendre

A gras crépon ou trouasse que prendre,

Qui bien peûst respondre as cops dotuir, 8 Et nule foi:( n'en peûsse loisar.

ni, Montpellier 236; IV, Bodleienne, Douce, 308, 182 des ballettcs; V, Paris, Bibl. nat. fr. 12581, fol. 88 a. Ces trois textes sont assurément bien différents puisque le premier a huit couplets, le second cinq et le troisième trois seulement. Je crois cependant qu'ils se rattachent à un même remaniement français dont la pièce de Pistoleta a fourni la donnée générale et quelques éléments, et qui nous est parvenu plus complet dans le texte El que dans les deux autres, ces deux derniers ne renfermant rien qui ne trouve dans le premier, comme le montre le tableau suivant ;

58

p. MEYER

Montpellier

Oxford

Pari

I

n

»

II

m

»

m

»

»

IV

»

»

r-

IF

II

VI

V

I

VII

»

III

VIII

I

»

On voit que Tordre des couplets varie singulièrement puisque, par exemple, le dernier couplet d'Oxford est le premier dans Montpellier. Ces pièces ont être écrites de mémoire et il est vraisemblable que ceux qui les chantaient n'attachaient aucune importance à un ordre quelconque. Il eût été naturel de placer en premier les éléments fournis par la chanson de Pistoleta. Il n'en a rien été : on a emprunté au troubadour ses deux premiers couplets, qui sont devenus V et VII dans Montpellier,

II et III dans Paris, et le seul (c'est le premier) qui subsiste dans Oxford y est classé IV. Le plus long texte, celui de Montpellier, est-il complet? J'en doute un peu. On comprend difficilement qu'une pièce commence par « Et je souhaite... » On retrouvera peut-être un jour un quatrième texte plus étendu encore.

Je donne successivement les trois textes : celui de Montpel- lier, d'après l'édition de Boucherie, Revue des langues romanes,

III (1872), 318-20, les deux autres d'après les mss.^.

m. Montpellier, Bibl. de la Fac. de médec. 236.

I Et je souhaidc totis tamps avril et viaiy Et cascun imis tous fruis renottvclasty Et tous jours fuissent flours de lis et de glay,

4 Et violetes, roses, u c'on alasty

1 . Je désigne par les capitales penchées deux couplets empruntés à Pistoleta.

2. Le texte d'Oxford a déjà été publié, mais d'une façon très incorrecte, par M. de La Villemarqué, Arch. des missions, V (1856), pp. 114-6. M. de La Villemarqué a eu l'idée malheureuse de ranger les couplets dans cet ordre : I, IV, V, II, III. Il leur a donné ce titre de fantaisie : « Les souhaits d'un paysan, » qui a été adopté par Boucherie. J'y vois plutôt les souhaits d'un jongleur qui exécutait des variations sur le thème fourni par Pistoleu.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 59

Et bosfueîïy et verdes praerieSy Et tout ami eussent leur amieSy Et si s*amaissent de cuer certain et vrai, 8 Cascuns eùst son plaisir et cuer gay.

II Et je soubaide le mort as mesdisans. Si ke jatmiis nuls naistre ne peùst ; Et sHl tuiissoit, qu'il fust si nieskeans

4 Qtu iex ne bouche ne orelle n^euyst,

Ca vrais anuins il ne peûst rien nuire ; As bons loisist a lor voloir déduire, Partout fust pais, concorde et loiautés,

5 Et de tous biens abondance et plentés,

III Et je soubaide santé entièrement Si ke jamais n'eusse se bien non.

Trente ans vesquisse et fuisse en u jouvent,

4 En cel eage vesquisse a grant fuisson ; S* eusse assis or et argent u preftdre. Et tous U mons se venist a moi rendre En loialU, en boine entent ioti^

5 Et en la fin paradis euissons.

IV Et je soushaide en ma bourse ,v, sous. Sans amenrir, tant en seûsse oster;

Et tous jours mais vesquisse sains et saus, 4 Et tantost fuisse lau je vauroie aler;

Et toutes gens de bon cuer, sans faintise.

Me fesissent joie, honour et servisse ;

Devisls fuisse de fnetnbres et de cors, 8 Plus biaus c' autre Ixms, saiges, hardis et fors,

V Et je soushaide cent mile mars d'argent,

Et autretant de fin or et de rons » ;

S'eùsse assés et avaine et fourment, 4 Et bues et vakes, Quelles et moutons,

Et cascun jour .c. livres a despendre,

Et tel castel qui me peut deffcndre,

Si que nus hora ne me peûst grever, 8 Pors i corust d*iave douche et de mer.

I. n serait facile de rétablir la leçon originale rous, ici et aux passages correspondants des deux textes qui suivent ; mais il semble que les copistes ont sacrifié le sens à la rime.

. /..

6o p. MEYER

VI Et je soushaide tous boires a talent y

Et hlattches napeSy char et tarte et poissons^ PertriSy plouvierSy widecos ensement,

4 Anguille en rost, lus, trottes^ esturjonSy Et jone dame très heU « a desmesure ^ Simplete au mont, haude sous couvreture. Plaisant assis , t$illie par compas;

8 Se Tud li clugne, faiche ris amouras *.

VII Et je soushaide autretant de boin sens Et de mesure c*onkes eut Salemons, Et si fesisse mes fais legierement, 4 Preus et loyauls et de tous boins renons, Sages, courtois, pourmetans sans atendre. Et tant donner que boin vaurroient prendre ; Et fesisse au mont tous leur degras, 8 Ne s*en plainsist chevaliers ne jouglas.

Vin Et Je soushaide frès frommage et civos. Tarte a poret, lait bouly et imtons ; Cervoise cuisse et goudale en Aj. pos^

4 Car li fors vins si ne m^est mie bons. Et blankes cauches, souille' a fors setnek. Et totis jours mais me durast ma cotde; Tel pck cuisse que ja ne nu fausist

8 }ic mes courtieus jatnais ne desclosist,

IV. Oxford, Bodleienne, Douce 388.

I Et je sohait ficx fromaige et sivolx^ Tairtc au porceli^ lait boillit et matons, Godille cùxe et servoixe an déport,

4 Car li fors vins se m m\st mie boins, Blath'he cijauccy soleis et fort sanelle. Et tout adès me durest ma cotelky Bcche eùxe ke ja ne me faxist,

8 .Vf ntes kcurtis «m/;; jor ne déchoit,

II Et je souhait to^ tais azril et mai. Et clxicuns mois to^ fru^ rcnovelest ;

\. l.cs doux autres leçons donnent tailùr, qui est évidemment préférable, j, Clcttc t'ormc barbare semble peu autorisée quoiqu'elle se trouve aussi dans Oxf.; Paris a une leçon totalement différente.

LA POÉSIE DES TROUVÈRES ET CELLE DES TROUBADOURS 6l

Tous tens eàxe ro^es et flours de glays, 4 Violettes an keil îeu c*ons aîest,

Li bois foiîlu, verde lai preerie^

Chascuns amans eùst lei:( lui Garnie,

Si s'arnaixeni de fin cuer et de vrai; 8 Chascuns eùst belle amie a cuer gay,

m Et je sohait la mort as mesdixans Si que jamaix nid estsre n'an peut y Et c'iU estait, qu*il fut si mescheans Keeus ne boche ne orailks n'eus t; A fins am^ns nepeûsent riens nuire^ Aim^ hur laixet en lour valoir dedure; Partout fi^s']f fois, concorde et loialteis^ 8 Et to:^ U monsfust a Dieu acordeis.

IV Et je souhait .c. mille mars d'argent,

Et autretant de fin or et de rons ;

S'eûxe asseis avoinnes et fi-omans, 4 Buez et vaiche, tairte et chair et poxons',

Et teil chaistel qui me peûst dcffendrc * ;

S'eûxe asseiz or et argent ou prendre ),

Si que nuns hons ne me peûst greveir, 8 Pors i corrut d'iawe douce et de meir.

V Et je souhait to:( boivres par talent,

Blanches naipes, tairte et chair et poxons,

Perdrix, plongés, truites et colvolans *, 4 AnguiUe en rost et lus et atorjons,

Et belle dame taiUie a desmesure.

Simplette a mont, baude sous 5 coverture.

Belle et bien faite, taillie par compas, 8 Kaini loilU li qlie * fait un ris amorais.

1. Le second hémistiche a sa place plus loin, V, 2.

2. Intervertir ce vers et le suivant.

3. Les deux autres textes ont mieux conservé le texte de Pistoleta.

4. Les plongés sont probablement des plongeons; on trouve dans Cotgrave pionget rendu par didopper (=didapper, diving bird). Colvolan doit être pour cormorant. Ces deux oiseaux sont mentionnés ensemble dans le « monologue des nouveaulx sots » (Montaiglon, Poésies françaises, I, 15) : Ce^it pUnges, deux centi cormorandes. Les deux autres textes s'accordent à donner ploviers, au lieu de plongés, mais difièrent pour le dernier mot du vers.

5. Ms. bandes sont,

6. Voy. Montpellier (no III), couplet vi.

i ^

62

p. MEYER

V. Paris, Bibl. nat. fr. 12581, fol. 88.

I Et je souhait que faie a mon Udant Blanche nape, char et vin et poisson, Pertri:^j phviers et après volns *,

4 An^le m rost, truite, /m:(, estrumens*. Et hde dame taïUiie a desmesure. Simple en voie et basse en cooerture J, Plaisant a mont, taïUie par compçs,

8 Si que nus hons n'an puist fere ses gas,

n Et je souhait .c. mile mars d'argent Et autretant de bon aur et de rous ; S*eûsse assez et avainne et fromant,

4 Bues et vaches et oeilles et moutons, Et chascun jor .M. livres a despendre, Et tel chastel qui me poïst deffendre, Si que nus hons ne me poïst grever,

8 Ne deseur moi tnestrie démener*.

m Et je souhait autretant de bon sens Et de mesure comme ot en Salemon, Et feîsse mes faiz a mon talent, 4 Vrais et loiaus, pllins de touz bons renons. Large et courtois, et doner sanz atendre, Et feîsse au monde leur gas (sic).

Paul Meyer.

1 . La fin du vers est corrompue ; voir le texte précédent, couplet V.

2. Corr. esturjons,

3. Je corrigerais, à l'aide des autres textes : SimpJete en voie, haude sous coverture,

4. La leçon de Pistoleta est mieux conservée dans les deux textes qui pré- cèdent.

.1

HENRI DE VALENCIENNES

L'histoire de l'empereur Henri de Consiantinople, par Henri de Valenciennes, nous est parvenue, comme on sait, à la suite du livre de Villehardouin, dans quatre des manuscrits ijui con- tiennent ce livre, les manuscrits appelés par M. de Wnilly C, D, E, F. Ces quatre manuscrits sont d'une même famille et remontent à un manuscrit dans lequel on avait joint ii l'œuvre de Villehardouin celle de Htnri de Valenciennes, parce qu'elle raconte des événements qui suivent de prés les derniers que rapporte le maréchal de Champagne. Ce manuscrit primitif, sur , lequel ceux qui nous restent ont été plus ou moins directement copiés, était incomplet, ou avait été fait d'après un texte de Heoiî de Valenciennes incomplet, car il est clair que l'ouvrage tel que nous l'avons n'est pas fini. Cet auteur commun de nos quatre manuscrits avait été écrit sans doute vers le milieu du xra* siècle, car l'un au moins des manuscrits qui en dérivent, D (B. N. fr. 12203), remonte au xm* siècle, et la compilation dite de Baudouin d'Avesnes, qui utilise un manuscrit de la même famille que les nôtres, est, dans ses diverses rédactions, de 1270 environ. Le texte de Henri de Valenciennes, que nous ue possédons plus isolément, est nécessairement antérieur.

L'œuvre de Henri de Valenciennes semble s'annoncer, dans les premières lignes, comme devant être le récit de la guerre de l'empereur Henri contre Burîle, neveu et successeur (1207) du roi des Bulgaro-Valaques Joannice; mais l'auteur ne se borne pas là. Après un court épisode sur une guerre avec Théodore Lascarîs, il passe à ce qui tient la plus grande place dans son livre (ch. xiii-xxxvn), l'histoire des combats et des négociations amenés par la résistance des « Lombards » établis à Salonique ce

64 G. PARIS

en Macédoine et particulièrement du comte Hubert de Blandrate ' à l'empereur Henri. Cette histoire terminée provisoirement, il en entame une autre (ch. xxxvra et dernier^, celle de la paix faite par Henri avec Michalis, « despote » d'Épire, qui propose de donner sa fille à Eustace, fi-ère du roi. s'arrête le livre, brusquement tronqué. Que nous n'ayons pas la fin de l'œuvre, c'est ce que montrent des annonces comme celle qu'on lit au ch. XXXVII. Après avoir raconté l'apparente soumission du comte « des Blans Dras » à l'empereur, l'auteur ajoute : « Or est cuens des Blans Dras acordés a l'anpereour, si comme vous avés oï, et molt s'ahatist ke il Blas et Conmains li aidera a descon- fire; mais li felonnie de son cuer pensoit tout el. Nonporquant de lui ne vous dirai jou oreplus chi endroit, » En eôet, peu de temps après, Hubert de Blandrate, mécontent d'avoir pour adjoint, dans l'administration du royaume de Salonique, Berthold de Katzenellenbogen, quitta l'Orient et retourna en Lombardie auprès du marquis Guillaume de Montferrat, qu'il essaya de décider à venir à Salonique soutenir les prétentions des « Lom- bards^ ». C'est à ces événements que Henri fait ici allusion, et il les avait sûrement racontés dans la suite de son ouvrage?. Nous n'avons donc qu'une panie de cet ouvrage, qui s'arrête presque aussitôt après le passage qu'on vient de lire. Deux manus- crits (C D) ont en tête : Cest Pistoire de Vetnpereor Henri de Cos- tentinoble; il est donc probable, malgré les expressions du début (d'ailleurs sans doute altérées), que l'auteur s'était proposé de raconter toute l'histoire de l'empereur Henri depuis le moment il la prend (Pentecôte 1207) jusqu'à l'époque il écrivait; cette époque ne peut, à cause de la mutilation de l'ouvrage, être fixée avec précision : elle est postérieure à l'année 1209, date des derniers événements relatés ou annoncés; d'autre part elle est

1. C'est bien probablement ce comte de Blandrate, et non le comte de Flandres, comme on l'écrit encore souvent, qui a composé un sirventes mor- dant contre Folquet de Romans, avant de partir pour la croisade (voy. Chabaneau, Biogr. des Troub.y p. 135). Henri l'appelle le comte dis Blans Dras; c'était sans doute la forme populaire que les Français donnaient à son nom.

2. Hopf, Griechenland, p. 231. Cf. Rmnania, XVIII, p. 5$8, n. 5.

3. Rien ne porte à croire qu'il s'agisse du retour menaçant de Hubert en 1216, et de l'empoisonnement, qu'on lui a attribué, de l'empereur Henri.

HENRI DE VALEK'CIENNES éj

intérieure à la monde l'empereur Henri (ii juin 1216), comme le montre le § 167 : notre auteur y raconte que les Grecs furent trcb contrariés quand Us surent que Henri avait passé l'Hèbre sur la glace : « car il avoient sorti kc chil ki passeroit ccl flun sans moillier seroit trente deus ans sîres de le derre; » assuré- ment, après la mort prématurée de l'empereur au bout de onze ans de règne, notre auteur n'aurait pas accueilli avec complai- sance une prédiction si tristement démentiel C'est doue entre 1 1210 et 1216 que Henri a composé son ouvrage.

On a porté sur cet ouvrage les jugements les plus diiférents. Dom Brial, qui l'a publié le premier d'après le seul ms, C J (iS' siècle), ne le jugeait pas contemporain des événements, surtout parce qu'il pensait y avoir relevé une grossière erreur : l'empereur Henri, d'après notre auteur, aurait donné sa filie en mariage au prince bulgare Esclas^, et en réalité l'empereur, marié l'année précédente, n'avait pas d'enfants. Daunou î répondit i cette objection qu'on savait seulement que Henri n'avait pas d'enfants légitimes, et qu'il s'agissait sans doute d'une fille naturelle. C'est ce quîaété confirmé depuis, le mariage d'une fille de l'empereur avec Esclas étant également rapporté par Georges Acropolite-". On peut dire qu'il n'y a plus de doutes sur la contemporanéité d'Henri : « Ce fragment historique, dit Buchon î, est du môme temps que la clironique de Villehardouin, et les faits qui y sont contenus sont de la plus parfaite autlienti- cité. M « Comment, dit M. de Wailly, ne pas ajouter foi à sa parole, quand il affirme avoir vu tous les faits de ses propres yeux, avoir su tous les conseils des hauts hommes et des barons ? »

I. L'expressioa a tioslnsigwiuTranpereour (§565) confirme cette conclusion. Cf le S î6j cité plus loin.

1. Le nom slave de ce personnage, appcli en grec SifrEï6iwOXoi6oî ou X^XâAoi, est Svtntoslav ou Svitloshn% pluiôt que WencesUs, comme l'admet M. ai Wailly (voy. Buchon, Rtcherchis, U, 172 ; Hopf, GritciKiihud, p. 220).

). Wit. lut. Je la Fra'ics, XVII, 170.

4. Voyez Bnchon, Rtdi., I. 457 ; Hopf, 220. Il est cependant bien sin- gulier que Henri, en 1277, eût à trente ans, en 1207, une fille nubile. Pem-ittc faut-il supposer quelque interversion chronologique dans le rî-cït de Hentî de Valencicnncs.

j. Riehinbis, II, 169.

5

66 G. PARIS

Deux questions restent douteuses, la personnalité de l'auteur et la forme première de son récit. Daunou le premier émit une hypothèse singulière, suggérée par le nom même de Henri de Valenciennes : « Serait-ce l'empereur Henri, en effet dans cette ville? » Buchon a développé cette idée, mais sans y insister : « Cette relation, dit-il, aura été faite, soit à Constantinople par des Flamands de la suite de l'empereur Henri et comme sous sa dictée, soit en Flandres d'après des lettres écrites par cet empereur. Henri de Valenciennes, dont on cite le témoignage dès la première ligne et aussi dans la suite de la narration, est-il l'empereur Henri lui-même ? Il n'existe pas de témoignages suffisants pour soutenir ni pour combattre cette opinion. Est-ce plutôt, comme il me semble par quelques réflexions semées çà et et aussi par quelques velléités poé- tiques, un chapelain ou un secrétaire nommé Henri et dans la ville de Valenciennes? » M. Debidour^ dit que Henri de Valenciennes « était peut-être un ménestrel ». On verra plus loin ce qui me paraît le plus probable; quant à identifier le biographe avec son héros, c'est une idée en l'air que la lecture la plus superficielle suffit à démentir.

Nous avons déjà vu dans l'un ou l'autre de ces jugements des remarques sur la forme à moitié poétique de notre chronique. Pauhn Paris en avait été particulièrement frappé et en avait donné une explication : « Pour ce qui est de la forme roma- nesque, dit-il, j'avouerai que, dans ma conviction, ce morceau a d'abord être écrit en vers et faire partie d'une véritable chan- son de geste Tout, en effet, dans le texte conservé de Henri,

accuse encore aujourd'hui l'ancienne forme poétique. Les dis- cours y sont longs, la chronologie mal observée, les combats singuliers minutieusement décrits. Quand on a lu quelque chan- son de geste, il est impossible de ne pas en reconnaître la marche dans un grand nombre de passages^. » Buchon n'a pas cru devoir mentionner cette hypothèse; M. de Wailly l'a trouvée hasardée : « M. Paulin Paris, dit-il, pour expHquer la forme romanesque [de cette chronique], ne serait pas éloigné d'ad-

1. Vilh'ÏjarJouiny Joinvilîe (Paris, 1888, collection des Classiques populaires) ^ p. 127.

2. Villehardouin, Introduction^ p. xuv.

HENRI DE VALENCœNNES 67

mettre qu'elle dut être d'abord écrite en vers et faire partie de

quelque chanson de geste. Je n'ose pas aller iusque-Ii, et je me

contente d'y reconnaître les longs discours et les minutieuses

descriptions qui retardent trop souvent la marche de ces vieux ,

Si l'on examine attentivement l'Histoire de l'empereur Henri, on ne doute pas que l'hypothèse de Paulin Paris ne soit con- forme à la vérité. Non seulement on y retrouve tous les carac- tères épiques qui l'avaient frappé, mais il n'est pas difficile d'y reWer encore ta trace des rimes du poème primitif, évidemment composé en forme de chanson de geste. Je citerai les séries de rimes en âge § 558, ait 552, ance 516, anl S42, art 530, as î97-SjS, ie 507, «68î, 692, ois 554, oit 563, 609-620, ons 585, iml S93-S94> " S7^~S77- J'^ laisse de côté les séries qui ne pré-l sentent guère que des formes flexionnelles semblables, et les rimes, trop facilement fournies par la langue, peuvent être for- tuites (comme celles en a, é, cr, erent, iV, ler). Parmi les autres, je choisis quelques exemples qui montrent, je crois, avec évi- dence que le rédacteur de notre texte en prose a travaillé sur un texte en vers ^ :

{j^t)- « Biele fille, or soiiis sage a courtoise. Vous »vis un homme pris avuec lequel vos vos en aies, ki est auques smivaqcs, car vous n'entendes son iùngagi. De 11 ne resct point dou vostce. Pour Diu, gardiîs ke ja pour chou

nesoués onArage vers lui Sour toute rien, por Diu, gardas ke vos nelassiia

voboia ttsage pour l'autrui mauvais (S Sî8>. •>

(_An(). Et si compaignon chcvaucoient environ lui, arilani molt durement de poïndte et dairanl, et sivoient a espouron bmclianl 1 ceU kl devant brocoicnt et aloient cofant. Por noient en blasmeroit on un, car tout i furent bien viûlliHl* et preuJorae, et bien eo fist caseuns semblant (S 541).

(Oi'J), El sadés kc il n^ùil et gidoit.... tant asprement ke a paine ke U langue a'mgifloit en le bouche de diascun. A l'un cngieloient li pié, et a l'autre les maim, au tiers li doil, et li nés au quart, et au quart crcfaîl 1

I. On a vtt plus haut que M. Debidcur voit dans Henri un ménesi maïs il ne dit rien de la forme priniiiîve de son ccuvre.

î. Je conserve, sauf de très légères modifications, la graphie adoptce >J. de Wailly, bien qu'elle ne soit pas toujours très conséquente,

). Ce mot est seulement dans C.

4. Seulement dans C; ce ras. est id le plus rapproché de l'original c mon; tilieats c'est l'inverse.

68 G. PARIS

bouche par destrecbe.... Or voelle Dex ke li paine de cascun i soii emploîe si comme il set ke mestiers lor est, et ke li empereres en soit bonnerés si zv9px

comme il doit '. Mais avant que che ^oi7 il ara enduré maint grant travail

car li âumaire estoient si roit,.. ke si par les miracles de Diu n'i passait on, nus hom n*en peûst venir a chief 563).

En dehors de ces rimes conservées, l'ouvrage de Henri de Valenciennes présente, comme l'avait remarqué Paulin Paris, une allure épique qui le différencie nettement des livres d'histoire composés originairement en prose. Cela se sent à la lecture et ne se laisse guère analyser; mais on peut relever quelques traits par- ticuliers qui appartiennent bien au style habituel des chansons de geste. Tels sont ces véritables débuts de laisses épiques : Li jours estait biaus 519; U jours estoit si biaiis comme vous ave:^ ci 5 3 6 ; £f jars estait biaus et seris 526; Aceluiftiatin^pourledouchourdou tans^ chil aiselon cantoient ckrement cascuns selon se manière 531, ou ces formules bien connues : Ki la fust a cel point assis peûst veoir lanières 525 ; À7 dont fust la malt peûst vetr asprement paleUr et bierscr 507. Le récit est souvent interrompu par ces incidences : ICi vaut alongemens? Ke vos tenroiejou par alonges? Ke vos conterai joui (532, 560, 638, 678), Kevous diroie jou plus? (506, 545, 537), Kevous diroie joui (jyi'jj 527, 341, 546, 596, 620, 661, 670)^. Voici une réflexion comme on en rencontre à chaque instant dans les poèmes épiques : Se il etlst en Pieron Vent autant de loiauté corne il avait de traisoUy merveilleusement feist a prisier d'armes (671). Les locutions suivantes sont familières aux chan- sons de geste : La forch paist le pré (592)3; Tant ont fait Lombart que il ont jeté ambcsas et le tierc d*uns dés dou plus 597 4. Citons enfin cette allusion, qui forme, pour peu qu'on retranche les deux de inutiles, un alexandrin qu'on retrouverait facilement ailleurs : Cascuns i fu ou liu dî" Olivier et de Rollant 633.

1 . Ce souhait pour l'empereur montre encore que l'ouvrage a été écrit de son vivant.

2. Une autre incidence, Ke vaut ckvi ?, qui revient extrêmement souvent (505, S08, 538, 541, 543, S44, S6$, 564, 594. S97» 624, 632, 633, 658, 665, 672, 686, 687, 695), n'est pas caractéristique.

3. Les nombreux exemples que je connais de ce proverbe ne se trouvent que dans des chansons de geste ou des recueils de proverbes (sauf Couronn. K.fuiitf V. 457).

4. Voy. dans Godefroy les exemples de Rettaud le Motitauhan et de GuitaUfi.

HE\RI DE VALENCIENNES 69

Le prologue de l'ouvrage de Henri a bien aussi le caractère d'une laisse prétimin^re de chanson ' : Henris de Vakncicnnts dît ie, puis ke U })om s'entremet de bîel dire et de Iraitûr, et il en est gra- ciles de ttr^ discrés et autorisiés, il se doit bien travelUer ke il ensiure le non' de sa graee par traitement de plaine vérité, c'esr-à-dire ; a Henri de Valenciennes dit que, quand un homme se mêle de composer ei de bien écrire, et qu'il en a la réputation auprès de tous les gens intelligents et autorisés, il doit se donner de la peine pour mériter la réputation qu'il a en ne traitant que la pure vérité. » Il ressort de cène phrase, difficile à comprendre et mal comprise par le dernier éditeur', que Henri de Valen- ciennes était un auteur de profession, déjà connu par d'autres ouvrages, ce qui ne veut nullement dire, bien entendu, qu'il fût un K ménestrel ». Il a composé en l'honneur de l'empereur Henri, i la personne duquel il était sans doute attaché, un poème historique dans la forme des chansons de geste, comme avaient fait ayant lui Wace pour la première partie de la Geste des Nor- mands, Jourdain Fantosme pour la guerre anglo-écossaise de 1173, et probablement beaucoup d'autres, comme devaient le faire beaucoup d'autres par la suite, notamment les deux auteurs de la Croisade d'Albigeois et Adam de la Halle.

Dès lors on est porté à rechercher s'il ne se serait pas con- servé quelque trace de compositions poétiques qui puissent 4tre attribuées i notre auteur. Précisément P. Meyer a signalé.

1. Le im. F, qui a coin pi élément fondu la mise en prose de Heuri avec Fouvrage de Viilehardouin, .1 naturellement supprimé ce prologue,

a. C'esi ce qu'il lâui lire, cl non vou avec M. de WaîUy.

j. Voici la craduciion deM. de Wailly, qui reposesurk mauvaise lecture lïiu pour non, et qui a rinconviinienc de faire disparaître précisément ce qui donne le plus d'intérêt i la phrase, son caractère littéraire et professionnel : u Henri de Valenciennes dit que, du moment que l'homme s'entremet de bien dire et raconter, et qu'il le fait avec !a grâce et l'autorité de gens tout discrets, il se doit bien ef&ircer de suivre l'appel de cette grâce par un rOcit de pleine •ériti. " P, Paris au cooiraire avait exactement traduit ; « qu'il justifie sa réputation et les éloges qu'on lui a donnés en ne composant rien dont il ne sache U vérité. » Sur ^ace au sens de o bonne réputation u, voy. Cachet (s. y. gnua), et les jolis vers de Baudouin de Stbûurg (X, 407) :

Doul 1UU proverbn din. c'oq doit bien rcccrdcr, Qdc b bcvu, quuT U A grtcc dd main lever.

X.V

r i -I Tes*, aan: rantcnr se n nirsi 1 nsL xcvs idenxiqoc :

rrrr.

z::L.^cnL-=zr' r lt:r-":r r ^ z:CTi îaiîs h ms^ que les iTii ^rrrr^ r. r.-^Eizr^ r^ iir ae T.srsz 70s en ivoîr -;r::r-ir=: - T r:-?i -^rr rt srsen: pas pour essa3per

ladaze du

:: Tauteur

a\Tec beau-

mr ::: —«.>::=: r.-^r; *;r>,-r-z-i tut Jz=mzrrrf i li qnesdon r - 1 r^->>; -' -^ -zz ..- ^:;:- —.._- T. rr-:Ln:5 c ji scpxsc que Wallcn-

r.:iT-_ 5:1 n Z25^ iàsrràer ctt Henri :z:ri< ç_ I fcr:: Zrisrcre de Henri, ifcirr^.T^i. îc 5cr czf 30I2S sommes r-irir - : li £:_: r2i cfcst hssKrire était

1. Zz :»:•:=:; -.r ^: z.-j: r:^ s-.i^ ^is -vi* ."uj. à AT.'cv I^aar (au der-

iLiT 1- 1= . ---j::-iir:.i~ : i-^.r i lr;Li* Srz,. i.j is -ït ôf: ».Tàc? (au lica

dans

: I- ;.-: r-^ii^-ir: :-^r^ ,-.i cj^ -^^-■■-•_-.*^ ç:i n'^rc: piss grande Z'zr.zi =__j :_ >;i: ::,:!:« :. ::«:..< . ^.icrti irf i=-,3 i=»::rs. Henri de ''il^-z-'t^ ;:i.îj.~; >:- 7::..\;.i, ir:i-> li iiCL: ;^-e "^ d:é, à une iizTziîi'.z z.t:Lhz ;>: ~ i->: r^-irî _ 7r,''?','^>, : * c-i =:c:trs ses sentiments i- iz'-zrLzz. Dulï '.-^ Tr:.:^-:. i— rl.-.i jsc^'i 513. :V;> '.= n:.^: ."rji/ifr pour i--::iT.cr bzz -ivi^. =: .- —> li ii—i^r vît? j.:^ c:-cis>;i5 il cuôline son poème iz l'i-.iii. L'tzjTtSilzi :--;••. S.j\\L p.-^^r i.r; t îzÎTi u::e cuuv^ise afiaire, ctr* tr. ru-viiî pz'.'i s. rzi i^ _: lu r:cr.:iir des «rs cités pir P. Meycr f'ircp i:: ^x'>:û: ;u: îr.c'Ki: ^i^^rS», ssî rcrr -vc ieux :V:< dins U chronique

; Ce::-- 3-7p::::::n es: :c-: i fii: -.Tôissiinrlarle, le nom de Fdlendenms

3. Voy. à-dessus la demière remarque sur les traces de vers dans la mise en prose.

HENRI DE VALEN'CIENNES

meni cette hypothèse, de même qu'il reçoit une cou6riiiatioQ l'existence .t

très bien venue de I

Valenciennes.

I poème signé par Henri de

La Chanson de Vempereur Henri ne nous est point parvenue . dans sa forme originale. Peu de temps après qu'elle avait composée, on eut l'idée de la joindre au livre de Villeliardouin,4 dont elle formait la continuation presque immédiate, bien qu'elle ^ en fût parfaitement indépendante, et que Henri, qui met souvent en scène le maréchal de Champagne, ne l'ait sans doute pas connu comme historien. A cet effet, on dérima l'ouvrage de Henri pour lui donner la forme de celui de Villehardouin, et on fit copier celte mise en prose à la suite de la Conquesic de Comiantinoblt. On ne s'en tint pas d'ailleurs i la suppression des rimes et de la forme versifiée ; on abrégea beaucoup l'œuvre originale, comme il est facile de le voir aux obscurités et aux incohérences que présente la rédaction en prose. C'est un manuscrit incomplet de cette réunion des ouvrages de Villehardouin et de Henri qui a servi de base à nos quatre manuscrits'.

On peut s'étonner qu'un travail de ce genre ait été fait aussi anciennement; car, s'il est vrai que dès le règne de Louis VHI J environ on ait dérimé les romans en vers octosyllabiqucs dç-J Robert de Boron, on n'a pas pour les chansons de geste 4 d'exemples de mise en prose plus anciens que le xv* siècle». Mais il faut faire une exception précisément pour les poèmes relatifs aux croisades'. Dès le xiii' siècle, on avait fait une rédaction en prose, également réduite, des chansons du cycle de Godefroi de Bouillon : « Et Tay comenchié, dit l'auteur, pour l'estore avoir plus abregiet, et si me sanle que la rime est

(. L'idée de M. de Wailly, que la suite de l'ouvrage de Henri se tetrouvc- lah peui-tire dans un morceau subséquent de la eompiLition attribuée d Bmduuîn d'Aveincs, a'esi pas admissible : c

rs de l'empereur Henri, et i du vivAni de son hénu.

1. On a wuvcni dit que l'ige de la m gcsw. commeofait dès le xiv' siècle ; mai< RiHC «M prose de chanson de geste qu'i aatfiîcuTc au milieu du xv« sii'dc.

}. Je laîue de cdté les mises en prose il y a cDcotc beaucoup i dire.

j que notre auteur écrivait

se en prose, pour les chansons de quant à moi je ne connais aucune n ait de bonnes raisons de croire

72 G. PARIS

molt plaisans et molt bêle, mais molt est longue^. » Cest aussi sans doute ce que se dit Tarrangeur de VHistoirc de Vempereur Henri; mais il n'est pas nécessaire d'admettre qu'il suivait l'exemple de celui de Godefroi de Bouillon : le désir de faire cadrer Tœuvre de Henri de Valenciennes avec celle de Villehar- douin devait lui suggérer Tidée qu'il a exécutée. On peut le regretter, car son abrégé maladroit ne vaut certainement pas le poème d'un auteur qui parle avec tant de confiance, au début, de son mérite et de sa réputation^; mais, d'autre part, sans l'arrangement grâce auquel Toeuvre de Henri a été jointe à celle de Villehardouin, nous ne Taurions sans doute pas conservée, et ce serait grand dommage, car, telle qu^elle est, elle constitue encore un monument littéraire précieux et un document capital, unique même en plus d'un point, pour l'histoire de l'empire latin de Constantinople.

Gaston Paris.

1. Ms. B. N. fr. 781, fo i; cf. P. Paris, Mon. franc,, VI, 158; Nyrop, Storia ddV epopea francese, p. 56.

2. Uœuvre de Henri de Valenciennes, si on lui restitue par la pensée sa forme primitive, reprend en môme temps son véritable caractère. Les défauts qui nous frappent en la lisant, brusquerie, manque de transitions, bizarre- ries, absence de dates et de détails précis, ou au contraire minutie dans le récit ou la description de petites choses, seraient beaucoup moins sensibles si nous la lisions dans sa forme première, et nous y apprécierions une vivacité, une couleur, une sincérité que peu de narrations épico-historiques présentent au même degré. Même dans la mise en prose certains passages sont encore fort remarquables : je citerai seulement S 34-5 3 5) 1^ beau discours, bien digne de lui, de Jofroi de Villehardouin, vrai modèle du discours d*un cheva- lier chrétien et français.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE'

- LA RÉGION NAMUROISE'.

Plas on descend au Midi, plus il devient difficile d'itablîr les limites précises des phénomènes phonétiques. Les chartes romanes sont moins anciennes; elles se font plus rares; la plupart revêtent un caractère officiel qui les rend suspectes h bon droit'. Au lieu d'émaner d'abbayes, des corps èchevinaux ou de panicuUers, elles sortent d'une chancellerie princière. Or le comte Guy iiait à la fois le souverain de la Flandre et celui de Namur ; il a pu accepter les services de scribes picards, et la daution « fait i Namur » n'a pas le même prix que le a fait à Liège... à Huy » des documents utilisés précédemment. Ceux que je rassemble ici sont originaires d'Andenne (entre Huy et Namur), de Namur, de Gembloux et de Fosses. Le dialecte des deux premières villes est suffisamment représenté, celui des deux autres ne l'est que par une seule pièce. C'esi dire que nous ignorerons toujours ses particularités. Les patois modernes, si précieux pour une comparaison historique, ont été

I. Voyez Rommia, -WII. 542; XVni, 209.

I. pentends par !j tom le pays situé au Sud de k région étudiée précédem- mcct, c"esi-i-dire l'entre Sambre-ei-Meuse. Gembloux est, au Nord, presqu'i Il limiic des langues gennaniques et romanes. Ce serait, si ks documents ^tiicnt plus nombreui, an prikieui point de repère, do même qu'Axhe snr Geer; de U émane le n" xrv des pièces publiées XVin, p. 2}o. Fosses est plm à l'Est, cesi-à-dire plus pris de la limite conventionnelle des dialectes wallon et picard.

]. Qe\i es: vrai des chartes que j'emprunte aux Carlulairrs dcNiuiur édités par de Rdflenberg et Borgnet, ci dont on verra la Ibie â la table.

74 M. WILMOTTE

mis à contribution, mais je n'y ai recouru que dans les cas ils me fournissaient ou la confirmation d'un fait, ou des lumières que j'avais en vain demandées aux textes d'archives. Il est d'autres cas ils n'étaient d'aucun secours.

Les pièces publiées proviennent de diflférents fonds des archives de l'Etat, à Namur, j'en ai pris copie, à l'exception du VII qui est déposé à Liège, cette ville ayant été avec celle de Fosses, d'où il provient, dans des rapports de politique et d'administration communes^. Sept chartes sont relatives à la capitale du comté et ont y être rédigées ; cinq appartiennent au chapitre noble d^Andenne et, des deux dernières, l'une est de Gembloux, l'autre est celle de Fosses. Les actes simplement analysés sont ou inédits (je les ai lus aux archives de Namur) ou publiés; ces derniers plus nombreux que je ne l'aurais voulu, mais à qui s'en prendre, sinon à la pénurie documen- taire du comté ? Et le mal ne va que s'aggravant au Midi ! Si les Inédits avaient été moins rares, j'aurais négligé (ou du moins

I. n et V ont été copiés pour moi par M. Tarchiviste Lahaye; j'ai eu Toccasion de les relire à Namur ; je dois à M. Lahaye d'autres copies et la coUation des originaux en langue romane du xiii« siècle, insérés par M. Barbier dans son Histoire de Géronsart. H est probable que cet auteur, quoiqu'il nous donne l'indication contraire, s'est borné à copier les chartes de Géronsart dans le Cartulaire et non sur les originaux, car les variantes recueillies sont aussi graves que nombreuses ; je publie en regard xi et xn, copies d'un même acte, dont la comparaison sera, j'espère, jugée instruc- tive. On y verra les altérations subies par le parler populaire sous la plume d'un scribe, peut-être étranger. La lecture de quelques lignes suffit pour convaincre que xi est plus fidèle que xii à ce parler ; xu a tietient et tinent XI a tinnent; il porte nommet et nome; les finales en -e = a latin tonique, au lieu de -ee/ ou -eiet (xi : nativiteet , communiteet, recorduty termineiety etc.) ; -eaî qui est étranger à la région et non ial (xi : cestiaJ, nouiaaïf espiate, etc.). Les diphtongues ie, oi, ui, généralement réduites à i, o, u dans xi, sont ici restées intactes; xu ignore des graphies comme on, acljon; churty chonsiense, choi; il supprime le t final, maintenu d'un accord si tenace dans xi, et intercale un I euphonique étranger à celui-ci; en revanche il écrit dissoient^ trespase, feischienSy tesmongnage, et xi disocnt, irepasseet^ fei(s)sins, tetneignaige. En voilà assez pour nous donner une leçon de prudence, car il s'agit de deux pièces écrites peut-être sous la même dictée, en tous cas à la même époque et dont la moins authentiquée, celle qui ne porte ni les sceaux ni l'estampille officielle, est précisément la plus sincère ou, si l'on veut, la plus barbare.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 7 S

relégué dans un rang infime) les documents imprimés, avec d'juiant plus de plaisir qu'ils ont un caractère officiel.

1 . a tonique libre donne ei et exceptionnellement k : peer i; communitett , recûrdal, nommul, demoreit, trepasseet, àtmandeeTf saeieer xi. Maïs îl faut remarquer que ces deux chanes affec- i donnent la géminaiîon graphique de toutes les voyelles : Musaatt, nouiaai xi, saluue 1. iv a aussi aa dans des noms propres. Le féminin des part, passés est en -«V = -ata dans les pièces les plus anciennes (i, m, v); plus tard ee devient générai ; seuls x, xi et xii ont encore atosUie, a(^n)mes, deviseie. « est régulier dans les documents analysés, et il faut remarquer que eie apparaii surtout dans les plus anciens. Les ex. de gémlnatian de la voyelle 1 tie sont pis rares; mais c'est p1ut6l affaire de scribe; 1294 a dix exemples de cette graphie ; dtUu =de latus est dans 1264=, iï64', 1294 et 1295; Liège lu Huy n'ayant cette forme, elle constitue un irait de localisation à retenir.

3. Au est aussi faiblement représenté dans le dialecte de Namur et de la région voisine qu'i Liège et i Huy : rv a Jmau}, cûgnisaubk, vi estatible et x avocaus. Bien que n'apparte- nant pas, à proprement parler, à cette catégorie, la forme sonkral m, 3 sg. fut- de sonlcr ^= sïmulare, mérite d'ûtre citée ici; le patois lie toute la contrée dit aujourd'hui sonlé; 1290 a sant^oit.

4. -aticum doit donner -âge si l'on s'en rapporte aux indi- cations des patois. Les n" nn, xi et xni nous ofireni -aige d'une manière assez uniforme, ce qui est d'autant plus fait pour nous surprendre, en ce qui concerne xi, que la copie plus francisée do même texte' i sage, arrérages, tesmongnage. Il ne faudrait pas s'empresser de conclure de qu'on disait l'un et l'autre, ni surtout que -aige était populaire h Namur; xi provient d'Andenne, c'est-à-dire d'un point limitrophe'; restent vm et xjii, qui offi-ent plus de difficulté. Y aurait-il une trace d'influence septentrionale? Le copiste de ces pièces seraît-U li^eoîs ou hutois ?

■^t est partout, sauf dans trois pièces, i2;o, 1289 (qui est de FIorefTe et qui« d'ailleurs mariage i côté àe ytelaige, vcndaige, mcsmigè) et iî99.

. V, h noie précédente. . V. la note a de XVUI, p

76 M. WILMOTTE

5. La graphie ae est ignorée à Namur; on n*y trouve am = ain que dans un nom de lieu (Uendram i = Vedrin).

Je n'ai plus à revenir sur ce que j'ai dit de ai(n) = i{n). Je signalerai seulement constrandre vn, qui n'est pas diflférent de remant dans le Poème Moraly et les formes diemincht vra, paiinne bestain x et sainglers xiv qui attestent une certaine confiisîon ; temeyn 11, tesmainage 1237 et tesmain 1281, aussi bien que muins = m i n u s xi indiquent un eflfort pour rendre le son oin de part et d'autre ; -are pour aire est ici inconnu, aussi bien que -en = ain,

6 et 7 ne prêtent à aucune remarque. La distinction de an et en est observée ; i(e)e : i(è) (8) est général dans le Nord ; j*ai déjà constaté que xii avait te partout xi a ï = é; iée : ie est toutefois plus abondant qu'à Liège : otroiie iWyfianchie y ^ paie vi. oiroies vu, mainie xiii.

9. -ellum : ial et devant une consonne ia{u): espiate i, Ysabiasy Cisiias 11, nouial vu, consiaus et cestial xi, sans parler de Willia(in)mes v et xiii et d'autres noms de personne. Les formes de XII ont déjà été signalées^ ; reste speate 11, rapeal m, qui sont irréguliers et les ex. de ea(J) = iWuvfi qui sont plus surpre- nants : à côté de c{h)ia{u)s et iatis on trouve cea:^ 11, ceatts ra, ea{u)s III, VII ; les chartes d'Andenne ayant déjà ia{u) régulière- ment, il paraît invraisemblable que Namur ait connu en outre le développement propre au Nord de -ellum et -illum. La vocalisation de / (et non sa chute comme à Liège) devant une consonne est donc un trait caractéristique de son parler au Moyen Age; l'identité du traitement de -ellum et -illum la différence de la région hutoise) en constitue un autre. Ces deux finales^ à en juger par les ex. des n°* vi, x, xi, coïncident déjà à la hauteur d'Andenne. La pièce de Gembloux a encore chias.

10, 19. é-hyetô + y donnent respectivement i et ui; les pièces simplement analysées s^accordcnt sur ce point avec les chartes que je publie. Mais placer la frontière de ei{(n) et de /(«/) ? Point délicat, étant données nos faibles ressources docu- mentaires. Le patois moderne nous fournit les formes léy péy etc., fort avant dans la province de Namur, et dans la direction orientale, é semble persister jusqu'en Lorraine, nous le

I. V. p. 74, note.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 77

retroavoRS dans le pays messin'. De même pour ô -)- j; u(i) CSX partout dans !e Sud, maïs on dit mou (Dinant);^ modium, (aj^d)ou (Laroche) ^^ hodie; cf. tmes v i côté de muis 1, mu)f{s) 11, VI.

n semble donc qu'il y ait départ et que le Nord possède dans certains mots £?(/) et u{i) le Sud-Ouest a toujours connu i Clou (m); dans cette hypothèse, mMi(j) liégeois et hutoisse serait prononcé 'mûvi, mui{s) namurois et plus méridional *tnoum. Je trouve n'i dans des chartes du Nord (V. S. L. 371, 408; cf. au sud de Liège xil : viel), i Namur wy = hodie 1293^ iiite^^oc to 1294 en dehors des pièces publiées. Il y a li une 1 indication d'autant plus intéressante, que la tendance i intro- I duire une semi-voyelIe euphonique, i élargir la voyelle labiale! en contact avec une autre voyelle, ne favorise pas w, comme il Liège, mais plus rigoureusement i. Cf. S9. Quant i eu (uè), . constaté i Huy, je n'en ai pas trouvé de trace; «'^é+jVi qui exista dans tout le Luxembourg, s'il faut s'en rapporter aux documents du Moyen Age, est absent des chartes publiées; l'une d'elles a même Si (ixi cf. lie xii) au lieu de lei. Les autres ne m'ont fourni que les formes deitw 12S7 (mais dime 1255) et sei pour si 1291, dont il faut rapprocher geist qui est dans une mime pièce (1283) i côté de gist et de giest. La graphie îe ^= è + y a totalement disparu,

Aus ex. déjà allégués, j'ajouterai glùe 1257, 1285 ; six et dix 1274; dii 1380; (*)«<" laSz, iiSî, i2&i;profil iî^,gssint 1295.

11- ie est moins rare qu'à Liège et l'on peut en reconnaître l'existence dans les formes vierunt, vier(r)o7il des n" m, v, xi et dans des noms propres.

El. nombieux : ticsmoignugt. fiait, vitslil 1281; lieront, vitront 1184; apier- Uniincti, apria, dicies 1288, soufficrt 1189, a^erl 129}', apierUnaru, titsmoini, apida. siergtani, litre lagji; /oriw/, emiters, siet 1293*; detsien'ira 1297. Maij il but remarquer que les cooclusiâos négatives pour liège s'arrèlaienc i la J iau approÛQiiive de 1270, donc antérieurement à celle de nos documents, va seul (m) excepté. Peu d'ei. de ïe ^= 1 ou de ri ;= ^ dans la graphie.

13. oc ^=ok comme i Liège. En revanche, les formes cor- respondantes à -ore, -otu (et -are) liégeois et il semble que

'. HtHnûig, Dit OSlfri. Grm^dtaltcte, p. a

78 M. WILMOTTE

Tattraction de la voyelle n'ait pas abouti, sont étrangères à notre région; je n'ai trouvé que memore xrv et 1290, 1299, qui est un mot savant. Mais nous avons oe=(n assez fréquent : namurots

IV, œrSy dœt, canoet vi, loueignues à côté de loueignous (xn a louegnois) et d'autre part fo(i)j xiv, 1280, 1282, 1290, 12934 et ardor 12934 que j'ai cru, ainsi que oe = ai, pouvoir assigner à la région qui s'étend au S. de Liège.

14 et 15 sont sans exemple. Je n'ai à relever que la forme chienquante v (cinquante n) dont on ne peut séparer cienc dans certaines pièces analysée (1233, 1285, cf. chiench 1289).

16, 17. La distinction entre ô et au persiste; comp. chouse

V, auront xi, out xi, pou = paucum'xiet xii, avec Paul 1284* 1288' et lou 1289; ô : ue est régulier; bonus et bona ont donné plusieurs formes, entre lesquelles il est assez difficile de se prononcer : boneÇi) 11, vi, x, xiii; bam(è)y buen vu, 1264, 1282, 12933; bain{e) 1281, 1289, 1290, 1293?. A part ces ex. on n'a point la graphie ai pour représenter 6, non plus que 6. Les seules exceptions, sur plus de cent exemples fournis par les quatorze chartes, sont Moise (M os a) x; loir côté de laur), signair, amaine ix ou : eu date vraisemblablement de 1260 environ; à part deus 11, je ne relève d'ex, que dans vi, qui a deseur et J«- gneur et dans vu * qui possède d'intéressantes graphies : succesars, succeseerSy successeerSy indiquant l'embarras du scribe pour trans- crire le son nouveau. A côté de oe {ue) on a aussi au = by aus i et oes (ues) m, v ; alu et aluet i, demore xi et demeure xn moins curieux que detnerent vu.

Reste à savoir si «^ = u (ou) comme à Liège. L'absence de formes comme aucuen, vestuere^ etc., est-elle compensée par des graphies comme allaut à côté de alluet Vy ous i non loin de ues III ? (7w a eu plus d'une valeur phonétique ; lorsqu'il repré- sente au latin, cette valeur n'est pas la même que dans les formes en -aur (-orem) il va bientôt céder la place à -e«(r). Enfin au = 6 entravé. Je citerai jour i, xi, xiv, court iv.

1. Je constate le traitement différent de -aucum (paucum a donné pou) et -ôcum sur lequel j'ai jugé inutile de revenir, car Namur a îiu (i, 11; mais heu à Gembloux (y)\jeu est français (viu).

2. V a sereur, mais il provient d'un point extrême et ne prouve rien pour le Namurois.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 79

tffus, tOHtÇes) V, IX, XIV ; les ex. des autres piîrces sont beaucoup plus nombreux et plus décisifs. Ils sont i peu près seuls à nous consen'er une autre source de ce son, à savoir [S atone (cf. tourner xiv) :

HoubtTt (tlucb-) 1357, doubUct 1264; pourfis tl88', dourm, -n tnanJurunt uoS*; octoubre 11S9; douiatia, sowiist n^; journus, so^ffusamJ^ mttti, nounutmmt lïgj' ; proumisint -mû, counoisin, doundr, tiûuii Mil. foumun 129}'; enfourmâr, moasIrHr, bourgam lagj^. Il y a un fait d'otncrvatlon phouÉtique que la région sepienmonale ne connaît pas. La forme tuortuir 1297 est bitm isolée en face de ces nombrcu^t ex. parmi lesquels ioanur et lawnril dé\i â\is. On ne peut voir id le phénomène étudié par M, Paris' et plus récemment par M. Homing dans la Zs./. R, Ph., tX, 4S6. La graphie contraire quatoute {quatorse i:8;; cf. qttatiioiei. Liège et .i Huv) montre le peu de prix qu'il faut attacher i cette forme, car qu3[(u)or. dccim a connu la diphioagaison cl 'Eornare l'a toujours ignorée en wallon; Huy a pourU V. N. D. 1197' qui est manifestement une erreur de mtoc nature; le; parlers modernes ont pwit, pvml, jamais poui.

18, 20 et 21 ne donnent lieu à aucune observation. Les ex. de -omts font dtlfaut; on, ac(h)on et chascon sont ici comme à Litge et i Huy.

23- A côté de a protonique dont les ex. sont assez nombreai^ ijtul I, davant n, parchon v, osions vu, astoit xn, raniembram 1111, parmanâblemenl ix, xiii ; sagnor, écrit de plusieurs maniéresjj est partout) on remarque une tendance à favoriser 1 plus accusé* que dans la région septentrionale : signor v, vu, signeur xiv ; ordirut IX.

Lesch. analysées ont de plus rwiivair t2S4';mîlleiiriiS6',uritiunt 139}'; JimiitBf 129s (et peut-itre siasT=siiiu ibid.) ki pour qiie, recMvcrts 1297, sans imincr va tignair qui s'y retrouve plusieurs fois '.

36, 27, 28- c(a) et c(e, i) ont le même traitement qu'à Liège. A l'exception des formes de âl et des variantes de « = e c c e

I . Cf. Romania, XVII, ;6o. M. Paris était disposé à dater du xv° siÈele la dinte de r après 6 entravé; trais les en. de Liège et de Huy nous montrent qu'il faut l'avaneei de deux siècles; à Namur j'ai trouvé quatoiist, mais j'ai égaré le numéro de la charte.

i. Ego, dont les formes romanes ont déji été signalées p. 216, a donné liai i plu^eurs graphies curieuses: /u m, 1255, 1282, 128), 128s, II86, jtu V, iiSs, 1286, 139;, jui iLiu, qu'il faut probablement lire jiu; cf. chut (flm) XI et la p. 216 du tome XVIII.

8o M. WILMOTTE

h o c on a peu d'ex, de rè= c(e, i) : cheste i, chienquante v, recheut X, chens xii. Même observation pour ty, cy ; x a sentensCy xi chon- siense et xii obediensce qui indiquent nettement la prononciation. Il faut encore citer grasse vu (grasce u, xiii) et surtout des gra- phies comme s'est (= c^est) 1288^ et seu (= ce(u) 12933. Une des pièces analysées (12934) a 38 exemples de cÇe, t) contre deux graphies avec ch {chou, chu). Les formes des verbes descendre et connaître méritent une mention ; le Nord wallon n'a que d(t)hind et k(î)nb-i ; à partir de Gives, près Andenne, on dit d(t)chind et k(t)ndch, en vertu d'une loi phonétique dont j'ai étudié ailleurs le caractère en Belgique : ix a conischant Liège coniscance xxiii), 1283 deschendoity 1206 descente. Ces ex. suffisent à établir une distinction que l'époque moderne a conservée. Une dernière constatation : ch= c dur est plus fréquent qu'à Liège je n'avais guère relevé que au(u)ech et auchun; xi a achon (achun); churty chonsiensey choi; xiii seich. Mais je n'oserais rien conclure de là, d'autant plus qu'il s'agit d'une graphie sans importance, propre à certains copistes ; celui de xii, reproduisant le même acte que xi, a conscienchey curty etc. Ce que j'ai dit de c(a) et c(e, i) est vrai aussi de g(a, e, i) ; la graphie gh=j' a seule disparu, de même que nh et, en partie, Ih, On trouve ligois 11, x, XIII, mais sériant x, xiv (les autres chartes ont aussi sergans : 1282, 1284s 12882, 1297).

29, 31. L'hiatus est plus généralement supprimé à l'aide de

'. Le no xn des pièces hutoises a deschent; il émane d'un seigneur de Durbuy, c'est-à-dire d'une région limitrophe pour les sons ch (/) et y. C'est à peu près le dernier témoignage qu'il me reste à invoquer au Midi. Comme je l'ai montré ailleurs, la limite des deux sons fléchit vers la Meuse, et comme de nouvelles recherches me l'ont appris, à partir de Gives, sur l'autre rive du fleuve, elle exagère sa déclivité dans la direction des terres germaniques. Melreux, au cœur de l'Ardenne, dit encore yà/ (scala) et hayi (baisser). Les données des chartes sont d'accord ici avec celles des patois. La seule difficulté est celle que soulèvent les formes du verbe conois{t)re; on a d'une part conischant et de VdiUlxt cc^niiist xi, conn(p)issons vu, connoistre viii, surtout connissant ix, qui indiquent unanimement la nasalisation de la première voyelle et rendent peu plausible sa disparition, pourtant constatée. Croie =z cru ce m 1257 est à retenir, car ce mot a plus généralement laissé tomber sa palatale, dans les patois modernes, à la différence denucem,decem, etc. On dit krœ, mais ;wr/, (fï/, etc.

i3S4i eskrwdr 1287, s

264', iivKnt

iTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 81

I semi-voyelle que de w; /oi« = laudata iv en est ua ex., aloiUr 1293' un autre; vni a Nocl, non î^okl (i Liège, n" vi); les formes paier, pa(f)emmt, sa(i)el, lo(i)almefit, etc., peuvent s'expliquer par la palatale intervocalique du mot laiiu.

Nod esi aussi dans 11S6; il £tut noter les graphies saiias, 1290, aiitnt, DUffJ, Rtt'tnii i2<)y,aloiitT I29]i; à cuti de cela masuîuiers 1257, at«ii( (août) M6i'-, qiuDI i >iiiu«j 1191, fitut'il liremiuvi oum'iuvi? Les variantes onho- graphiques, citées par l'éditeur du CartuLiire, sont ayiiuw et uiaies (aides). JWdéjidte tiyt^hodie 119}' et mU = octo 1294'.

30. Kf ^= f se constate ici comme dans !a région hutoise ; liu-rer IV, Ywîns, Yv;ain{^s) ix, au>€{ xm, peut-être Baudewin {Baldovinus). w^^-w germanique^.

Add. vnlb 12;;, iuina(i)ge 1164*, 1299 parler des formes moins probantes de (en) 1168, mtivxnt 1293' (vu 3 iicwetil).

31. a(a)bU domine. J'excepte irelaulemettî vi qu'on trouve à Andennc. Les autres pièces étant généralement d'accord avec cette constaiaiion (douze n'ont que ahle; -auie est très parsemé) on serait tenté de conclure à une formation différente de celle qui caractérise la zone plus septentrionale; mais rien de moins sàr, car les finales en -abh sont l'une des preuves les plus frap- pantes de l'influence centrale, et celle-ci, p.nr les chancelleries princières, devait être considérable, dès la seconde moitié du xra* siècle, dans le comté de Namur; la forme erteles 1280 cor- respond aux ex. liégeois de ce mot.

33- I a persisté jusqu'à la fin du siècle. Une seule charte fait exception (xil), maïs j'ai déji sign.ilé ses dissonances J. En 1281 (xi:i) on a encore veriteit, neil, qitilleit, gerpit, reporldt, auteît, paerat, tumuit, ordineit à côté de vtriu, volcnk et aute; 1297 et 1299 ont les deux formes, mais 1295 a quatorze ex. de -t con-

I. Le n" 47 do Cirtulaire, i^ue \c n'ai pas cru devoir admettre parmi les dianct aiulysécs, porte la forme /«tu? = jocat.

î. On commence h observer, à Namur, l'amuissement de la demi-voyelle de fH, f u, qui esi un Cait accompli dans la région s'iltetidaut à l'Ouest de cette TÎik. Je citerai kàl i, tnki n, haut m ; Gti xi, xii. Mais il scr^t tC-mérriirc de hisa sur ces quelques formes, en présence de la quasi uniiiimitii Jes autres, DOC loi pbonétiiiue.

). V. la note de U page 74.

82 M. WILMOTTE

serve contre deux de sa chute. La dentale a donc eu la vie plus dure qu'à Liège, et, de 1240 à 1295 environ, sa persistance constitue un moyen de différenciation.

34, 35. En revanche :^ est remplacé par s (= ts) à peu près à la même date qu'au Nord. 11 (1248) a toç, awCTi;^, ct(^ (ces) y di:^ dele:(^ ru^^ deuen^, alue^ {alues), nomei; mais i et m (1240-1252) ont toSy tondus y dedenSy genSy dis, vestis; 7i = s médial n'est pas rare : vu a tnarcandi^es pri:^^ enclcn^rty chœ^e^ ocotTion, ce que confirment les autres pièces. Mei(s)tnes ra, xii (et 1250, 1293* et 12934) est aussi bien namurois que liégeois; xi a mainme dont je n'ai pas d'autre ex. et qui est, ainsi que tnimmes (vi) et minmc^ (vn), une autre graphie du même son, la nasalisation est mieux exprimée. J'en dirai autant de nuumes constaté à Huy, puisque ae{n) = ai{n) n'est pas étranger à cette région inter- médiaire; il faut donc renoncer (voyez p. 219) à en faire un trait distinctif. Ce que j'ai dit de -able peut s'appliquer à {e)s + consonne initial; les nombreuses formes qui trahissent la pros- thèse sont des produits de l'influence centrale. (Cf. spiatc i, speate 11, skeuin vu et surtout cmp. Val des Escaliers 1280 avec Val de Scoliers 1281.)

36, 37. Rien à noter, si ce n'est une assez fréquente confu- sion de / et Ih Ql) : defalist vi, julet viii, mais toillei vn, telh vra; XI a partout / xii a /A et a (jm) xii a al (au) + cons.

Add. vile 1293Î, 12934 (au Nord vilhe); ventaU 128$, mdor 1294, et d'autre pan felîonies 1293'; saeîh 1294, cJmpdlain 1297.

39. Congiet figure dans vu et xiv rr = rtx,er^=r comme à Liège et à Huy. Je citerai renderat i, venderat 11, viuerat viii; VII a doueront et deurat, xi a quidroit et xii quideroit. L'impf. inorroit v et le condit. detnoroit x caractérisent bien la confusion phonétique; cf. porat xi et porrat 11.

40, 41, 42. Ce que j'ai dit de l(h) est applicable à n(A), graphie inconnue à Namur % ni, ngn, gn(f) et igni (estrai-

I . J'excepte deux noms de lieu : Upinghc (mais m Hnpaing)^ MeJ)airtghe i. A Liège, comme au Midi, nQ^)h constitue donc une graphie archaïque, dont les ex. ne dépassent guère le milieu du xiii« s. Aux formes citées dans le texte, il faut peut-être ajouter dounieies dans une charte dont rorigine namuroise m*est suspecte (Cartulaire, 2$, p. $7).

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 83

gnû vii) représentent le mouiUement de la nasale, xi a cognuisi, xtt au contraire conuist.

Les ex. de « sont ici : cognoisanchc 1282, 1283, wgnissance 1283 ; ncognoissant -gnissons 1293'; commugne 1293'; cette pièce possède aussi vteignanl ^^ mand(u)cantera, qu'on retrouve 1293*. Anes = Agnès est dans 1291; n est intercala dans enlielii, emîabie \i, enskcveyti, enscr'il -ire xi,

Lct ex. som les mêmes; mais il est diffîcQe de se prononcer pour convent II81, Xiiy, aconstunuH ji86, monslrdl 1290. comrnana 129Î', oii, d'apris les •ois ginénies, n ne peut être étymologique (cmp. 1 f>ni« 1284'.

43. mm, nn sont plus fréquents qu'à Liège pour m, n simple^ eonnoislrf, WilliammeiJ), ammis, manniere, nonnain, bannira,'* ciammtir, }em}ntdi, fennal v ; vmnans, connissons, sommes vu ; ven- ntres «u; dotnne, patnnc, prochainnenient x. Les n"* xi et xii ont encore de nombreux ex. de cette graphie, qui indique la nasali- sation de la voyelle précédente.

44. Li et U féminins sont ici comme à Liège'. revanche men, sen, sporadiques au nord de Namur, ou toutà fait inconnus^, sont plus fréquents dans le comté. 1284^ a deux fois scn, 1288' deux fois mn; sm est encore le cas régime du possessif masculin dans 1 293 ' et 1 293*. no ec vo sont un autre trait fiexionnel que les patois ont ici fidèlement con- servé : m> VII.

Ai3d. 1164'. iî88', 1Ï9Î'. 129}', 129}'. 1^93' l'on trouve w régime iQiK. et dm.; la dernière pièce renferme encore un ex. de na sujet pluriel :

Les phénomènes étudiés sous les n°'46, 47, 48, 49, 50

I. Ce que j'ai dit (xvn, 566) de la dbtinction établie par M. Neuntann est moins absolument vrai que je ne l'avais supposé; Liège a plusieurs ex. de dcl Eiminin : xiv, xvu dtl uaui (cf. xx délit fau:^: au S. de L. drU vai vu, miis M V. xiu ibid. ainsi que ti vau^. On a aussi la graphie inverse {deik masc.) xxiii : d^t tiakt. Del Incaraatimi (xvi et S. de Dègc xiu) est moins sûr; de intaie alaUtt (s. c. partit) ei drl aiguë 5. d. L. viii, dtl ordùic ibid. xi, dd ordrtit iUd. XB, tous ces substantib et pronoms comnieaçtnt par une voyelle.

S. Li comparaison avec le patois moderne autorise la conclusion que les Vti rares ex. de men, srn sont Jus à l'infiuence méridionale, peut-être au scribe lui-même. V. p. 118.

84 M. WILMOTTE

se retrouvent dans nos chartes. Les parf. en -ont (51), que les pièces publiées ne possèdent pas, sont dans deux des autres documents : ensengonty portont 1282, singnont 1295; en revanche pas d'ex, de -ons (i plur.). Les parf. en ui (tu) ont été déjà signalés ailleurs^; je citerai seulement la forme retmue m et auist 'Usent xi qui correspondent à cwist -issent xii. Deux autres points restent à signaler : les parf. en ins^ ont disparu (auins XI = avienies xn est un impf.); les 3 plur. prés, sont diffé- rents de ceux de la région septentrionale : celle-ci a accentué la désinence atone et dit î(J) èmi= amant, Namur et le pays voi- sin reculent encore Taccent d'une syllabe et accentuent la voyelle introduite par épithèse, qui n'est d'ailleurs pas partout la même; de les formes pulenCy uulene = *polunt, volunt 1294, ^^^^ il faut rapprocher descendenenty giesene dans une ancienne copie de charte, éditée par M. Borgnet (Cartulaire de Namur, I, II, p. 28) et mostrenent (ibid., 50, p. 165). Le patois moderne dit dichind'nûy gis^ntiy etc.

Résultais K

Namur.

HuY. Liège.

(i) *delees

(4) -^^ -aticum

-âge et -aige -mgi.

(5) ^Kn)

ae(n), ai(n), e(n).

(5, 13)

-are, -ore, -one.

(9) -w(/) -éllum

-ia(T) Ha(l)

-w(/) = .ïllum

ea(l) -ta(J)

(10) i è -f- y

«•(0

(19) ut (pi) ô -f- y

ui (eu) ui

(10) i

le le

(13) oe

= 01

o=^oi

-h consonne

(14)-

ien =inum

(15) -

ee (ei)s=î -^ voyelle.

(17) ou ô atone

ou au tonique.

1. Zs.f.R. Ph.y II, 279.

2. Voyez Romamay XV, 133, et XVII, 567.

3. LMtalique (^t réservée aux traits phonétiques, les lettres romaines aui simples graphies, l'astérisque aux formes isolées.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 8$

Namur. Huy. Liège.

(23,29) I atone et demi-voyelle'

•Noël ♦Noiel

(27) scb='sc se. *croie crois

(28) g(e, i) gh. (30) w = V

(33) -/final (1240-95)

(37) ' = H^ « récipro- quement —

(39) •congiet (-ier) conghiet.

(40) n^'gn (nh) et réci- proquement —

(45) mm C^)> ^^

nOf vo

(49) I pi. parf. 'ins = imes

3 plm*. prés, en -ne

(épithëse)

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I. 1240.

Je Abers le balhies de laterre |de Namur. saluue tes chias acui ces letres uenront. Nos faisons conessable chose a uos ke lambins de ambresin ke on apde li tondus at uendut a chias de la maison de Gerosart trois boniers et demi de t^rre aprendre alor uolenteit en tôt laluet ke ilh tient a ambresin et lat reportde en nostre main A ous la maison, z nos par le içjugement des hommes le conte lor auons rendue z reporteie enlormain. et ilh liont rendue a tr^s- cens eniretage chekan por sex mvîs de spiate loiaus do t^rroit de la. Apoier Anamur enkeilliu ke onuodrat dedens lafeste saint Andriu et si lor rcnderat tôt sens lo bleue vn donier decens chekan. z seilh a Jour ki est*... nncz Nauoit paie lo bleue et le donier de cens î li maisons jront alat^rre si ce;;; a son iretage r ilh nj poroit riens reclameir. che fut fait Auendraen de uant moi su) de par lo conthe le vendredi après laclose paske. Anno domin], m. ce. xxxx. mense apnli. lafurent 11 peer dalu et mes sire andries de vpi»ghe. mes sire Anous de mehainghe. mes sires euras de Ginmines kisont cheualicr.

1. Je ne constate ici que la fréquence plus ou moins grande.

2. Lacune.

86 M. WILMOTTE

H maires de tienes. z Rosias de Merdot et mut datr^ proudommes. z por che

ke cheste chose soit ferme z stable a to iors Nos auons nostre sael mis A ces

letres.

(Monastère de Géronsart).

II. 1248.

os ysabias abbesse par la grasce deu. z toz li couenz de boneffe del ordene de Cistiaz de le veke de liegc faisons sauoir a toz ceaz ki cez letres veront z oront. ke nos deuons a toz jors jamais en jretaige setis rapder chascon an cin- quante mujes de speate a la chapelle de lonchamp. z djz al hospital deutre muese delez Namur en laparoche saint syphorien A paier z A liurer chascon An. A ces deus diz lius a noz despens. Le moitiet a chascon des deus diz iius de chu kom li doit deuenz la feste saint Andrier. z latre moitiet deuenz le premier jor de Mai. z se nos faliens del premier paiement v del secont a jors ki deuant sunt dit den ki en auant ju ka jor ke nos paieriens chu ka paier en seroit. fuist tôt fuist partie nos seriens tenues a faire le gret des deus lius deuant diz. A plus chier ke li bleis aroit valut communément après les jors de saint Andrier. z après le premier jor de may. z deuons bone speate loias et paiable. z a la mesure de Namur. les cinquante mujes A la chapelle deuant dite a deus deniers pies de la melhor selonc chu com le venderat adont Awasege. Ledis Alhospital A deus deniers près de la melhor solonc chu com le venderat adont en Namur. Et si deuons Assi vn denier a la chapelle deuant dite amj an. z vne mailhe al hospital deuant dit A paier le jor saint Andrier. Et ceste rente de bleit z de deniers deuons nos ensi com deuant est dit. por laluet ke mes sires Garniers de lonchamp Aquist A mon sanior Henri de ham. cheualier A tens ma dame. Idain sa promiere feme des quez Aluez ilh fist samucne a la chapelle z al hospital deuant diz. par lotroj z la volentet. z la proiere ma dame Idain. sa feme première dauant dite, z de cez aluez sunt vint boniers. z set verges fueressesen terre A le mesure de liège, z vnze soz et quatre deniers de ligois. z deus chapons et li justice z li plait gênerai A bo- nihuel. z U masuier. z tote la sangnorie de le curt. Et nos jtez alues Auons raquis tôt entièrement si com ilh est deuant nomez z diz. por la rente deuant dite Alhospital z A mon sanjor Johan dais, canone z Archediakene de licge porueour del hospital deuant dit. z a mon sanjor. Garnier assi deuant dit. Patron de la chapelle de lonchamp deuant dite, z par lusens le vestit del liu mon sanjor Johan de blarej. Et en temejn de totes ces choses deuant dites. Auons nos mis nostre saiel Auuec le saiel nosirc sanjor. henri par la grasce deu enliet de liège. Dant Watier abbet de viller visitor Adont de nostre mason. mon sanjor Johan deuant dit canone z Archidiakcne de liège. Et chu fut fait lan del Incarnation nojtre sanjor. mil dens cens z qua- rante, vuj.

(Abbaye de Boneffe; trois sceaux et un

petit fragment du quatrième.)

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE

m. 125a.

Ju KTUiis cbeualiers de saint Lamblert (au sauoir A tos ceaus ki ccleircs vicruHl et orufit ke ju por deu en diotle Aumune ai doncie z en main pcporteie entierumeni « qintnmcot Me deme de saint Lamberl ke ju lenoi de Chem de Chitsue A Bienain. Oseilhin. cl CUrissien me trois filhes. et se nj ai menut nuie tieo ne vmjer ne autre chose. Et se Lai fait totevoies pai Lotroî Lot mete Dame damjson mespouse. kar d pramcrain dan ke ju les enfis retinuegc mes vmjers a sa vie et a le mjcne. En après kani des totcs trois oreni rcciuic Lor dite Aumune de memain. Eles totes trois le reponarwit du«t alesmetmcs ves en le main Monseignor Lambiert Le vesii de saint simphorieo de Namur lor Neuot. t Monseignor Getart de Hnpaiiig lor Taua dunt eles tîscnl Munieitani lor manburs. Et chu fui fait deuant eaus z deuani frère Aubcn ic vtetit de sain Lambiert r Monseignor Steuenon Le parrochien de Tamines. Mestie hoston. Godefroit et Pieron z autresgens. El por chu ke teste chose porte force r parraaignet senrapeal en veriteit se priage Mètre a ces Lettes Le saias Frère Auberl. Monseignor Lambert Les dis vestis r mon iâgnoi Stevenon. Et ce letres sunt doneics Lan del Incarnation coj/re signor m- ce. 1. ij. Le mardi après !e feste sain Mathie L.ipostole.

(Abbaye de Salrinnes, Fragments de sceaux.)

IV. 1261.

A tos chias ki ces Letres verront z omnt nos ihehans dis de brchaing cfaeualier ! et nos Eniorans de biol chevalurj z bailhiers del la terre de Namur. sangot de loierfayions cognisaiiUe chose, ke nos Lamone ke Tierris de liming fisi ia dis a la maison de Gerosaart de tôt son lïet entïrenicnt ki gist el terroit de Lîmang ke il leuoit de mon sangnor henrî de Loiu nostre onceseour en lerresi en ptees en bois i en totes autres choses! Auons Loiec et otroiie si com sangnor de fiet a La nuison de Gerosain devant dite Et ce fiet avon nos rendu! ala mabon devant dite a cens chaskon bonier por di-us Namuroes A pair chakon an .1 ta court a la saint iehan. Et chu avun tnis dit par devant nos hommes de fiet Werri Limang. et Jeh:in de Nanincs. El à enavons récent A masuier frère Jehan le sopriour de Gerosaart dei-ant iSt par nostre majour Andrieret par nos eskeuins de Loîu Erbiet. Simon. Ewart Hidûei Mahir et dniaart Et par teil condition ke ti maisons de Gerosaart devant dite Apres la mort frcre Jehan devant dit doit rcliwrer 3 La court vn «ire frerc A vestil Li qui;is doit pair a revestir droite vesture si com autre Busuif A dîl del eskeuin. Et chu fut fait Lan del incarnation nosire sangnor Jesu cristit mil z dous cens et scxanie ei vn. Le mois de fenaul El por ceu ke ees choses soient fermes et estables Je Jehans devant dis por cen ke Je n'aj point de sahcl A fait ces letres saieler do sad mon sangnor Adan dasece clias- Klain do chaste! de Nomur Et Je eniorans devant dis les ai saellees de mon

88 M. WILMOTTE

prope sael. Ces letres furent donees en an del incarnation z el mob devant

dit.

(Monastère de Géronsart.)

V. 1263.

A tous chias ki orront ces pr^ens lettres ou vierront Jou Johans chevaliers z sires de herripont' z Jou Emous cheualiers z sires de Wallehaiiig salus et con- noistre veriteit Nous faisons sauoir à vostre uniu^rsiteit ke Reniers de Lais. Johans. et Williammes enfant mon signor Williamme del aunoit sunt venut devant nos. z si se sunt mis en nos del tôt si com en arbitres ^ por ordendr. z por deuiseir a chascon dials sa parchon quti doit avoir après le deces mon signor Williawme lor peire en toutes chouses. z chou ke nos en donrons et deuiserons a chascon ^ il le doient tenir, z si lont encouent par foit fianchie z sor le paine de deus cens livres de lowlgnois aoes celui t ou chias des deuant dis freires ki nostre dit tenroient. Et nos par le conseil de preudowmes z de nos ammis z del lour disons nostre dit en teille manniere t que Reniers li ainneis tcnrat z aurat por sa parchon i sauf le droit son peire petifais. z de quant qui li apcnt en fiet. en allout. z en hiretage z se tenrat chou quii at a Glinunes a Meur z a Argenton z les vint et qi^tre moies de bleit qui vinrent amon signor Williamme de par la glise de Gcmbliies, sauf chouî que reniers donrat chascon an î a dawme Margaritte sa sereur nownain dargenton tant qî«lle viurat après le deces son peire qwatre moies de bleit. et a damme Oudain de le rafwmeie par ausifait deuise diz sol de blansî Et Williammes tenrat landinnes chou quâ i at en fiet en allout z en hiretage z de quant quû i apent. z parmi chou doit auoir dawmoiselle Alis sa suer deus cens livres de blans sor trente bo«nire debous de ceste parchon afors contant, selle faisoit par le conseilh de moi signor de Wallehai«g. del mon signor huon desart z del mon signor Johan de Lais z se nus de chias morroit. H awmis i doient remettre un autre î le plus prochain del mort, en lieu delui. z parsi encor que selle cntroit en ordene elle nauroit ke cent livres de blans. z parmi ces deniers prendant doit elle quitte clawmeir tout la ou mestier serat de quant quille deuroit auoir après son peire î en fiet. en alluct. z en hiretage. si ne li reuenoit dont ensccant par droite cnsccance de ses freires. z selle chou ne faisoit elle nauroit nus des deniers deuant diz. Et Johans tenrat chou que ses peires tient à mehai«gne z quant quil iapent en fiet. en alluct z en hiretage z se tenrat diz bownires de t^re a Liutres qui muet de mon segnor de Wissemalle. z par mi chou doit auoir dammoisclle Alis sor. viii. bo//nire de t^re de cette parchon cent livres de blans par ausi fais deuiscs qu'il a les deus cent livres deuant dittes sor le trente bownires de bous, mais qwe les cent livres sor le parchon Johan qui sunt sor les viii bownires ne doiwt mies descanter ne forsconteir. Et Mes sires Williaf/mies lor peires doit auoir sor la parchon Williawme chienqwjntc livres de lovignoi, et sor la parchon Johan chienqwante livres ausi tout auant por faire son testament a sa volenteit. z si sunt totes ces parchons faites sauf son

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE 89

droit. Et si disons eocoi ea nosire dit. que Reuters Wïlliaintncs z Johans dolent aleir en totes cors la ou mestiers en scrat z doieni connoistre li vos alautre sa parchoQ en» cam elle simi deuiscies z daniiaen quitte It uns lautre emicomdoit sur la paine qui mise i est. Et cest dit tout ensi quf nos lauons dit et ordeneit ont locil Rcniers. WtHiaraines e Johans. z nos lor auons cowmiandeit si œm arbitre qinl le ûcngnei tout ensi qw nos lauons dit z ordeneit sor la paine qui mise i esi A cest dit z aceste ordenance furent auut:i: nos mes sires Jakemes sires de sombreffe. mes sires Williammes del aunoit. Mcssires hues de sart mes sïres Thomas de Lais mes sire Johaos ses fis z mult Jautre preudonme. z por chon ijuc « soit plus fome cose c plus enstable : nos auons si coni arbitre ala requcsic Reniée Williauime e Johao deuant dis. aces lettres pendus nos saials c mcssires Jakemessires de sumbrefFe iai au» pendut le sien, z li autre deuant dit qaj furenl auuec nos i ont fait mettre le saïal mon signor labbdt de Gcmblucs auuec les nostres. eo lemoingnage de totes ces cases deuant dittes; Id li at mis a lor tequesie. Tout chou fut fait et dit à Gemblues !c seinmedi prochain deuant le Jor de la fesie marie nugd;Oaine cl an del Incarnation aosln signor Jbenicrist. m. ce. tx et trois el mois de fennal.

C.\bbaye d'Argcnton. Un sceau.)

VI. 1264.

A tos chiaus Id chcs lettres veront et oront.. li maires et li escheuin ddl con d.indenne salus et conoistre uerite. Sachent tuil chil ki sont ei Iti sero kc semais dandcHne dis malqarres at uendut en iretage Adamoisele msroe del «ois channonessc d.vjdeHne por vne summe dargeni ke li dite danioisele li at bien lotc et bien paie '. iiij. muie despiaute aie mesure de hui bonc et loas tclc corn on pae as rentes dandenne. sor le maison et sor se cort ki muevcnt de mon saingnor le doien dandenne por .iij. mailhes de cens ut demi chapon. SM demi booier de terre ki gist enbofroit. Et sor vn jornal ki gisi al chanuKre. Et sor vn joni^d ki gist en hopiol. ki mueuent dde gran cort por. iij. deniers ei .j. pain de cens, sor demi jornal ki gist joindant le jontal la gist en hopiol, sor vn jornal et dernei ki gist en onoet. Et vn autre demi jomat ki gist b mimmcs. ki mueuent de colin le SI beatri's le pollue pot .IJ. dfnÛTs et maille de cens, sor vne pieche de terre ki gist en tnile VIS, sor vQC nos de preit ki gist descur gondofosse. Et sor le moitiet dele pieche de Urre ki gist amesplicr sor lurbierriew. ki mueuent dele gran cort por vfi). dmùTs et .j. pain de cens. Et ehes. -iiij. nmie doit il paier chascmi an dcdem le feste saint Andrier. Et de tôt che fist depostues !i deuant dis s^ruais. El ii deuant dite damoisele sen est uestîe par deuant nos si com ele dîei en tota les cors dont li maison et ii cors, et les deuant dites terres et li preis! timeuciii. Et li damtnselc deuani dite at rendut reiaulcmeni Adit seruais cl A Sis oeti ; le maison et le ton. le preit et les leres deu.inl dites....' iiij.

90 M. WILMOTTE

muie despiaute deseur nomeis. Et seruais doet deliurer de cens, le imdson et

le cort. le prêt et les terres a totes cors. Et sil auenoit ke li dis semais deÊdîst

en paement de cens et kil ne paaist atfrme deuant dit les iiij mutes despiat! li

damoisele poroit de dont en auant aler aie maison et aie cort. a prtt et a

terres deuant dites deliurement et en pais Et en poroit £dre si ke de son

iretage Et por che ke ches choses soent firmes et estables nos auons ches

lettres saelees de nostre saal. Et me scires li.. doiens dandeime jat mis son

sael a le requeste damoisele maroe et seruais deuant souent nomeis. Che fut

fait lan nostre seigneur mil. ce. et Ixiiij. lendemain dele feste sain piere et

sain pol.

(Chapitre d'Andenne; fragment d'un sceao.)

VII. 1267.

A tos chiaus ki ces.... ttr^ veront Nos maires, skevin. r tos li conmuns' de le ville de fosses, de le vekeit de liège, faisons savoir, kentre nostre honorable père, par le grasse de diu eveke de liège nostre signor spirituel z temporel dune part, z nos dautre. est fate ordinations, anmiable en tel manire ke nos ki rewardons le bien, z le honor de nostre ville de fosses z le vtilitet. z le profit tos cias ki le hanteront z de tôt le pais, devons faire coifstruire. z ede- fier vn edefisse. cons appellet communément halle dedens le propis de celle nostre ville a no cost z a nos propes despens. de tôt en tôt del spécial congiet nostre signor deuantdit z del z assens son chapitele de li^e ke nos avons par ces conditions ki ci aprfs siewent le ques sont teis. ke tôt dl ki demerent devens celle ville deuandites z estraignie ki dedefors venront. ki vendront dras. toilles. pain mercherie v atres tois vennans v marcandizes deveron^ vendre leurs marcandizes en le deuandite halle en teil manire ke se nos v cil ki seront establit. de par nos a chou en acon tens. ki venrat voient quil soit buen a nostre ville, deuandite. nos porons constrandre par le force z par le justice nostre signor deuantdit. chiaus ki vendront v vendre voront leurs marchandizes en le ville deuandite allors kens en le belle deuanmomee. ki les vendent devens le halle. Et nos z nostre succesors ki apr« nos venront a le honeur nostre signor deseurdit z a profit de nostre ville deuantdite astons tenut de proc[urer ?] loialment la croissement z le profit de le halle deuan- dite et con.. z voirs est que tote le moitiet de profis z de rentes, ki venront de or en avant délie halle deuandite avrat nos sires deuant dis. z si succeseers

eveke de liège z ies. selon ce ke plus vtele. nos sonlerat serat tote

cotmertic en le vtilitet z le profit de nostre ville, deuandite. Et si connissons

I . m est résolu ici en «w, d'après le modèle de anmiable^ écrit une fois en toutes lettres. La charte présente des caractères paléographiques bien tranchés ; V et non u est régulier à Tintéricur des mots aussi bien qu*à l'initial, nost et non nre^ etc.

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE JI

ir tôt pUnemeat ke sil avïent en acoti tens quant li halle deuandite serat c quelle caei ardet v empire, nos sires li eveke deuandis. z si evcke de liège, por le moitiet de cost z de despens. kon fcrat a dctenir z refaire le deuani dite halle, z nos por lautrr? moitiet de ces miames ' cost t dcipcns. sommes. obUgiei z astraiiit le quôs moitiés de ces cost z de CCS despeos. ke devrons, serat ptiie a le moitiés de prcns. z de rentes, qui dos avonj. en le halle deseurdîtc sal ce que li deuandite halle, doit estre de tôt entai suiecle e encline, a bans z a constumes. nostre seigneur le evelie deuaa- dîc z nostre \iîlc deuandite et sal chu. que nos sires li eveke deujndis, nul Nouiil edc&sse ne potat faire ne ne devrai deuens len dozure c le propris de DEBUT ville dcuanidite v aconne Nouelle choîc establir por coi v a locoiion de coi li deuandite hoUe puist avoir danimage et si prions, par ces nos. lettres overtes nostre honerabte. père par le grasse de deu. Eveke deuantdtt. nostre S^gocur z les honorables,, hommes le. prouost. le doyen, les archcdiakenes. e EO[ lechapitcle de liège quilde tant ken eas est. totesces chozes deuandites ta tel manire kclles sont droîietnent.,.. oiroies par leur ieitrrs ovtrtes appro-

vcni z confirment z en tesmoing ment de toies ces chozes avons nos a

CCS praeas leitns mis nostic.... fut fait lan d... incarnation, mil. ce sixante t ICI. de mois....

(Archives de LÎËge, chap. de S. Lamben, a" 299.)

VUI. 1170.

Siichent toi dlh qui sunl. Et qui avcuir sunt. Et qui ccst prissent cscril wrroni et aroiii. he lez est licouens. Entre lemaison les malades dcnamur. El btudewin le lîlb Colin louial qui fut venneres leconie. ke li frère delà maison de* malades, doient auoir le chambre bressercssc. qui est delà le porte Dosire dame, qiù fut son père colin louial. Et le cortilh en bordial. El par Idh coueni que U maisons des malades et li trcre. Doient abaudcvi-in deuant dii. chascon an. tam com ilh viuerat. ix. Uvrtj dclouignois, El par manire. qucn que ilh avignc de la chambre, ne del cortilh. ne par feu. ne par guerre. ades se licol haudewins aie deuant dite maison, des. ix. livrM deseur diles. a- paict le mdtiet anoel. Et buirc aie saint iohan. Et saichent encor tuit que après !e deccs baudewin que les. ix. livrw irent mones. et li maisons, des malades devant dite en ieit quite. Et si remanrat alemaison. Li chambre, et li conis quites et en pds atoi iors mais. Et ciste coueiiance si fut fùte par lotjoî. de b merc. baudewin. Et de ses frères pieron et iohan. Et b v ce fut Élit « onJenet. fut Robiers bonechose con maires c com eskeuins denamur. Johaos bounans. Johans dopont. (rankcs des changes, phelippes dopant lot com «keuin denamur. Et iohans bonechose. jakemes branche, pierars julianc. jutiaos dcwarei. luit quatre cammi: jures dtnamiir. Et si furent !i

92 M. WILMOTTE

frère. Et li porueor delà deuant dite maison des malades. Et por ce que ce soit ferme chose, et estauble entesmoignaige de veritet. ces lettres pr^sens sunt saielees dosaiel dele ville denamur Et dosaiel de la deuant dite tnaison des malades. Et ce fut fait. En lan del incamasion nostre saingnor. Milh. ce. Izx. le dieminche deuant le magdalaine. £1 mois de Julet.

(Hôpital des Grands Malades à Namur; fragments d'un des deux sceaux.)

IX. 1271.

J. vestis de niel sain martin z Jehans vestis de niel sain Vincent a tous

ciaus ki ces lettres veront z ouront salus z amours, nos faisons conischant a

uos ke 3nvins de niellabesse a censit pardeuaitt nos. alabesse z acouent de sale-

sines. j. cotilh z ). preit quilh ont elle, vilhe de niellabesse. parmanablement

à luj. z a son hoir por. xiuj. stries (sic) de frunent apaier chascoff an. anid

alour maison, alefeste sain andrieu. a. inij. deniers près dont i loir conuendeiat

a terme quant on deuerat. paier les .xiiij. stiers deuant dis z se ilh ywains v.

si oir defaloent. do paement li abbesse z li couens. poroent raleir aloir cortîlh

z alour prdt. quitte et enpais z por chu atenir portât ilh sor lateit saint

Vincent aniel ses .ij. cortis en amoinne. alabie de salesines. dont liabbesse z li

couefts poroent faire lours volenteit se 3n^ains v. si hoir defaloent des couens

desurdis ces choses z cilh couent furent fait z ordineit. elle présence, henri

de niel. le piereus godefroit de fraime odrit. badun. le clerc, henri le filh

bemier colaj. scoiruat Jehan, le beggin emout hoseit z paier doit, ywains z si

hoir le cens que li cortis. z li prcis. doit chascow. an. z por chu. ke soit chose.

ferme z estable. nos auo«s aie requeste dy^\'ain mis. nos saiaus. aces pTi^sens

lettres, ki furewt faites, lan nostre sygnoirmil ij. cens z Ixx .j. le mardy après

le feste sain Jehan, bapt.

(Abbaye de Salzinnes.)

X. 1272.

Nos li doiwne. z li chapitres dandene dune part, c ie jehans fins ponchar dauin de lautre faisons cownisant a tos chias ki ce lettres verront, ke nos de bestain qui granx pieche at dureit en tre nos por lobcdience danbresin. z de gestial. dont nos avons grant pieche plaidiet en tre nos. promieremewt z le chapitre dandcwne deseur nomeit. après en chapitre sain lanber de liège, et puis en la fin a colongne. Sowmes par conselh de proudowmes z de bones gens. achu. acordeit. ke nos li chapitres de seur nomeit. avons en leut maistre Simon ki fut doins de sain bartholomer de liège, z ie johans deuant dis. ai en leut mow sagnor jakcmon le sangnor de clcmons. z les avons pris adisors. z a arbitres, en tel manière, kilh doient oir z entendre quanqwe les dittcs parties voruwt proposer z avant mettre, chacune partie parsoi. z quant il auront tôt oit lentention. z le niostranche de parties, sens avocaus. z sens

ÉTUDES DE DIALECTOLOGIE WALLONNE

tollcmpmtex de drois. il termineront le qtictelle